Escapades dans les Hauts-de-France : Villa Cavrois et La Piscine de Roubaix

La Villa Cavrois et le Musée de la Piscine à Roubaix sont deux merveilles architecturales à découvrir lors d’une escapade dans les Hauts-de-France. Nés la même année, innovants chacun à leur manière, mais aussi très différents, ces deux bâtiments tout proches de Lille sont de véritables palais : palais d’un homme et de sa famille, pour l’un, et palais du peuple, pour l’autre. Dans cet article, Lectrice, Lecteur, je t’emmène faire le tour du propriétaire de l’intemporelle Villa Cavrois ensuite, d’aller plonger dans la beauté, et dans l’univers créatif, du Musée de la Piscine.

Cet article a été écrit dans le cadre d’une collaboration avec Hauts-de-France Tourisme mais les opinions de l’auteure lui restent propres. Vet article contient des liens d’affiliation.

Quittons un peu Lille pour rejoindre la banlieue prisée de Croix. Déjà au début du siècle, Croix a vu nombres de villas, construites par de riches industriels, dont un certain Paul Cavrois. Ce roubaisien possédait plusieurs usines de filature, de tissage, de traitement de la laine… bref, le type d’industrie qui a fait la richesse du Nord pendant de longues années.

 

La petite histoire de la grande Villa Cavrois

Paul Cavrois est à la tête d’une famille de 7 enfants et il lui faut de la place pour loger ce petit monde, sans compter le personnel. Il achète donc un terrain à Croix à cet effet et confie le projet à l’architecte franco-belge Robert Mallet-Stevens dont il avait admiré le travail lors de l’exposition internationale des arts décoratifs et industriels modernes (qui allait faire exploser l’Art déco). Cavrois laisse carte blanche à Mallet-Stevens qui va en faire une gigantesque œuvre d’art totale moderniste. Lancée en 1929, la construction s’achèvera en 1932, pile pour le mariage de la fille aînée des Cavrois, Geneviève. Dès son inauguration, la villa, toute en lignes pures, fait sensation alors que le style « anglo-normand » était plus en vogue à l’époque.

Pendant la guerre, les Allemands s’en emparent et la transforme en caserne. Quant aux Cavrois, ils se sont réfugiés dans leur propriété normande. A leur retour en 1947, la villa est modifiée pour créer des espaces séparés pour les familles des deux fils Cavrois. Ils y vivront jusqu’en 1985 et le décès de Lucie, la dernière des enfants de la famille encore vivante. Les meubles sont vendus aux enchères et la maison sera abandonnée pendant des années. Elle a même failli disparaître suite à un projet immobilier du nouveau propriétaire, qui prévoyait la destruction de la villa.  Le projet ayant été refusé par la mairie de Croix, la villa sera abandonnée, squattée et pillée jusqu’à ce qu’enfin, l’Etat français ne la rachète en 2001 dans le but de la restaurer.

Le travail est titanesque, tant par la taille de l’édifice que de pour l’ampleur des rénovations. Il ne reste quais rien de la villa d’origine, tout, ou presque, a disparu et l’état du bâtiment est lamentable. A force de recherches (grâce à des photos d’époque), de participation à des ventes aux enchères pour racheter les meubles originaux, voire à faire refaire des meubles manquant par des artisans, sans compter le gros œuvre jet de réagencer l’intérieur comme il l’était en 1932, la rénovation durera 7 ans (de 2008 à 2015).

 

 

La Villa Cavrois : chef d’oeuvre moderniste

Dès l’arrivée à la villa, le propriétaire avait voulu en mettre plein les yeux. Au début des années 30, la voiture se « démocratise » pour les plus riches et un petit « rond-point » placé devant l’entrée permet aux chauffeurs de déposer leurs passagers avant de repartir garer le véhicule, tout en faisant un petit tour pour admirer le devant de la villa sous différents angles. Et paf ! Elle est en effet immense. Si sa structure est de béton, elle est recouverte de briques de parement jaune. Nous allons commencer la visite par les extérieurs et notamment LE point-de-vue le plus photographié : celui de la maison qui se reflète dans le bassin du jardin. Jardin qui n’est plus aussi vaste qu’à l’origine mais charmant tout de même. Les Cavrois semblaient bien aimer l’eau puisqu’il y avait même une piscine avec plongeoirs, intégrée à la maison. Ça devait sympa les pool parties !

Le sous-sol est moins fun, mais pas mal intéressant puisqu’ici, on trouve tout ce qui faisait fonctionner la maison : le chauffage, l’eau, la buanderie, etc.

Enfin, nous pénétrons dans la maison… depuis le vestibule, on ne peut manquer de voir les boîtes-lumières, un peu japonisantes, qui encadre l’entrée vers le salon. Dramatique à souhait ! On voit que Mallet-Stevens avait réalisé de nombreux décors de films auparavant. Nous n’allons pas rentrer directement mais passer les cuisines et l’office, tout au bout de la maison. Ici, tout est d’un blanc immaculé (sauf le sol, qui est en damier noir et blanc bien années 30) et déjà, la lumière y entre à flot. Lumière, circulation et hygiène étaient les lignes directrices de la conception de la maison, on comprend déjà pourquoi ici. C’est aussi ici que se trouve l’horloge-maîtresse qui contrôle toutes les petites horloges de la maison que l’on trouve dans quasi chaque pièce.

Depuis la cuisine, on accède à la salle à manger des enfants (car oui, les enfants mangeaient séparément), qui est la seule des pièces à avoir une « décoration » sous forme d’un tableau en bois représentant des jeux d’enfants (quilles, damier, fléchettes…). Une pièce intime où les plus jeunes devaient se sentir à l’aise car la vraie salle à manger est-elle, plutôt imposante avec sa grande table et ses meubles laqués qui ici aussi, rappelle le Japon. Les grandes portes de la salle-à-manger conduisent, elles, sur le salon cathédrale, qui est un peu le cœur de la maison. Les murs sont peints dans une couleur vert amande qui répond en écho au vert du jardin qui semble presque entrer dans la pièce grâce à d’immense baies vitrées. Une imposante cheminée en marbre jaune est l’unique décoration de la pièce et des banquettes sont disposées tout autour pour profiter du feu. On passe par le fumoir, une drôle de petite pièce circulaire, et un peu claustrophobique il faut dire, qui évoque une salle qu’on pourrait trouver sur un transatlantique avant d’accéder aux chambres dédiées aux fils des Cavrois.

 

Les appartements des garçons sont plutôt réussis. Ils bénéficient aussi des hauts plafonds et si la première chambre est très « mondriaanesque » avec ses motifs bleu et rouge, l’autre est d’un jaune éclatant (un peu discutable pour une chambre).

A l’étage, se trouvent les chambres des parents, des jeunes enfants et de la nounou. Chez les enfants, on a aussi opté pour le jaune, cette fois un jaune citron (on se demande comment on arrivait à mettre les enfants au lit). A côté, on trouve le boudoir de Madame Cavrois, avec ses murs bleu ciel et son mobilier vert émeraude. Elle bénéficie même de sa propre petite cheminée. La chambre parentale, tout en beige, est particulièrement élégante et lumineuse. La coquetterie de la pièce vient de ses meubles, plaqués en bois de palmier. 

Le clou du spectacle de cet étage, c’est la salle de bain qui fait… 60m2. Elle est donc plus grande que mon appartement, truc de ouf ! Elle est toute blanche, exceptée une moquette noire à pois blanc, recouverte de marbre avec des touches de métal. Evidemment, il y a une double vasque, chacune dans son coin, à côté d’une fenêtre qui permet un éclairage à la lumière naturelle, mais aussi une immense baignoire et une douche séparée avec jets massants ! Cette salle de bain ne serait pas incongrue dans une prestigieuse suite d’hôtel.

Nous aurons le souffle doublement coupé lorsque la guide nous conduira voir la « pièce martyre », une des chambres des enfants qui a été laissée telle qu’elle était avant la rénovation, pour témoigner du triste état de la maison.

Le deuxième étage était consacré à la salle de jeu des enfants (où se tenait une exposition) et leur salle d’étude et donne accès au toit-terrasse, recouvert de plantes, qui offre une vue imprenable sur le jardin et son bassin.

Tu l’auras compris, Lectrice, Lecteur, la Villa Cavrois est un endroit unique en son genre, un exemple d’architecture poussée à son plus bel extrême et elle vous en mettra plein les yeux. Même les plus petits détails ont été pensés (comme la forme des petites horloges, les marches et contre-marches d’escalier qui alternent entre noir et blanc…). On ne peut pas s’empêcher de se demander si on aurait aimé y vivre. Pour moi, la réponse est sans doute non. Le style moderne, encore plus épuré que l’Art déco est très tourné vers le fonctionnalisme et manque cruellement, pour moi, de fantaisie et de chaleur. Ce qui ne m’a pas empêché d’en apprécier toute la beauté et la valeur.

Villa Cavrois

60 Av. du Président John Fitzgerald Kennedy,

59170 Croix, France

Une Piscine pour les Arts

Nous restons dans l’architecture de l’entre-deux-guerres mais cette fois, à Roubaix. La ville est riche de patrimoine industriel (anciennes usines, ateliers ou entrepôts) mais c’est tout autre chose que nous allons visiter : La Piscine de Roubaix ou musée d’art et d’industrie André-Diligent.

Contemporaine de la Villa Cavrois, elle ouvre ses portes elle aussi en 1932. A cette époque, les habitants de Roubaix ne bénéficiaient pas tous d’une salle de bain ou de possibilité pour se laver. Le maire de la ville, Jean-Baptiste Lebas, demande alors à l’architecte Albert Baert de construire « la plus belle piscine de France ». Qui dit piscine dans ces années-là dit aussi « bains-douches » et c’est effectivement ce qui sera construit, en style Art déco : un bassin olympique de 50 mètres, des salles de bains, une cafétéria, des bains turcs, etc.et au centre, un jardin composé de rosiers. Bref, un véritable luxe offert au Peuple. Dès les années 70, la piscine souffre de vétusté mais elle ne sera défectivement fermée qu’en 1985.

Heureusement pour elle, elle ne devra pas attendre aussi longtemps que la Villa Cavrois pour retrouver une seconde vie. Dès 1990, il est décidé d’en faire un musée et 11 ans plus tard, la Piscine rouvre avec ses nouvelles fonctions.

Que dire, sinon que la Piscine est un vrai bijou ! Dès l’entrée, un peu en style mauresque, le bâtiment en impose. Les couloirs sont baignés de la lumière qui vient du jardin, nous allons d’ailleurs commencer par là. Il ressemble à une cour d’abbaye avec son jardin médicinal sauf qu’à la place du romarin ou de la mélisse, poussent des plantes utilisées pour la teinture des tissus, un hommage à l’industrie textile de Roubaix.

Avant d’entrer dans l’espace du grand bassin, nous allons d’abord jeter un œil aux cabines de bain. Au rez-de-chaussée, se trouvent les bains pour hommes, avec des baignoires creusées dans le sol tandis qu’à l’étage, les femmes bénéficient de baignoires sur pied. C’est spacieux et on imagine à quel point ces bains devaient faire du bien à ceux qui les prenaient.

La Piscine est donc un musée et propose une collection permanente et temporaire. L’une des expos temporaires qui fermera malheureusement à l’heure ou cet article paraîtra, est consacrée aux streetartiste JonOne. Ce Newyorkais, qui a établi son atelier à Roubaix, propose des graffs abstraits, colorés et joyeux qui semblent encore plus exubérant dans l’environnement sobre de la Piscine.

La collection permanente d’art, elle, est constituée, en gros, d’œuvres de la fin du XIXème siècle et du début du XXème, la période de gloire de l’industrie roubaisienne. On part de la peinture de paysages aux portraits bourgeois, à l’impressionnisme, au non-figuratif… Une vraie palette des bouleversements qui ont changé la face de l’art à cette époque. A côté des peintures, il y aussi des sculptures : Rodin, Camille Claudel et sa « Petite châtelaine » et le contemporain de La Piscine : Pompon est ses animaux stylisés.

Enfin, nous accédons au bassin. Sous une voûte en forme de tunnel, on a reconstitué une lame d’eau, pour figurer la fonction première du lieu, où se reflètent deux magnifiques vitraux aux extrémités représentant le soleil levant et le soleil couchant, plongeant le bassin dans une douce lumière orangée. Autour de la lame d’eau, sont disposées des statues de grandes tailles dont la présence semble évoquer les ornements qu’on trouvait dans les villas romaines. C’est magnifique et j’imagine les générations de Roubaisiens qui ont appris à nager ici, sous les rayons de ces deux soleils fictifs, capable de transformer les jours de grisailles du Nord en semblant d’une chaude journée d’été. Entourant le grand bassin, on trouve les anciennes cabines de douches qui maintenant abritent les collections textiles du musée. Collection évidemment très riche puisque nous sommes au cœur d’une ville connue pour son industrie textile, justement.

La Piscine – Musée d’art et d’industrie André Diligent de Roubaix

23 Rue de l’Espérance

59100 Roubaix, France

Juste à côté de La Piscine, allez faire un tour au Grand Bassin, un collectif de créateurs locaux où vous pourrez trouver une foule d’articles de toutes sortes (vêtements, bijoux, déco…). Difficile d’y résister !

Méert Musée de la Piscine

C’est évidemment dans l’ancienne cafétéria que Méert a ouvert sa brasserie. Il y a la salle principale, la plus atmosphérique, dans un décor à la Gatsby et la « terrasse », où nous mangeons, qui est en fait le couloir qui donne vers l’entrée du grand bassin. Evidemment, on y trouve au menu les fameuses gaufres Méert et leur goût inimitable, mais il y a toute une carte de brasserie plutôt bien troussée qui mélange des classiques de la cuisine française (quasi de veau), des plats typiques de la région (potjevleesch), et ceux qui viennent d’ailleurs (rouleaux de printemps). Méert étant aussi un pâtissier, ce serait dommage de ne pas terminer le repas par un bon dessert. J’ai opté pour l’impérial, un crumble aux noisettes caramélisées à la fleur de sel, dacquoise noisette et crémeux gianduja, chantilly lactée bombée. Une tuerie ! Au pire, si vous n’y dînez pas, venez y prendre le goûter.

Méert Musée de la Piscine

23 rue de l’Espérance

59100 Roubaix

 

 

Se rendre à la Villa Cavrois et à la Piscine sans voiture

Pas besoin de prendre sa bagnole pour visiter ces deux merveilles architecturales. Lille et sa métropole sont couvertes par un très bon réseau de transport en commun : Ilevia.

Pour rejoindre la Villa Cavrois, prenez le Tram R (départ à Lille-Flandre) jusqu’à l’arrêt « Villa Cavrois ». Il vous faudra marcher un petit quart d’heure de marche pour y arriver.

Vous voulez visiter La Piscine juste après la villa ? Alors, on reprend le tram, direction Roubaix jusqu’au terminus (Roubaix- Eurotéléport »), puis le Metro 2, jusqu’à l’arrêt « Gare Jean Lebas ».

Pour rentrer vers Lille, direction l’arrêt de Métro « Gare Jean Lebas » ou « Roubaix Grand Place », la ligne M2 vous ramènera vers le centre-ville.

 

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