La Route Côtière du Golfe de Botnie réserve encore bien des surprises ! Traversons la frontière et découvrons la Finlande, à commencer par Tornio, ville frontalière au charme unique. Nous allons frissonner lors d’une croisière en brise-glace, vivre l’expérience insolite de flotter dans les eaux glacées du Golfe, puis retombons en enfance en explorant le Château de glace de Kemi. Pour terminer en beauté, une immersion dans la nature apaisante de la réserve de Sanginjoki.
Cet article a été réalisé dans le cadre du Salon du voyage MATKA en collaboration avec la Bothnian Coastal Route. Les opinions de l’auteure restent néanmoins indépendantes.
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Passer d’Haparanda, en Suède, à Tornio, en Finlande, se fait sans s’en rendre compte. Ou presque. Si vous passez par là, la tradition exige que l’on prenne une petite photo souvenir à Victoria Square, une esplanade partagée par les deux villes (et donc les deux pays). La frontière est marquée par un banc posé au-dessous d’un grand cœur rouge. Vous pourrez y poser, comme nous, avec un pied dans chaque pays et un pied dans chaque fuseau horaire ! Eh oui, la Finlande a une heure de décalage par rapport à la Suède (qui est sur le même fuseau horaire que l’Europe occidentale). Du coup, les habitants des deux villes fêtent deux fois la nouvelle année. Minuit sonne en Finlande en premier, puis en Suède. Ce qui donne d’ailleurs lieu à une compétition de feux d’artifice pour l’occasion. Détail comique : la Finlande chauffe son côté de la place par le sol… mais pas la Suède. On ne peut pas se louper pour savoir dans quel pays on se trouve!
Tornio, ville-frontière
Comme je te le racontais dans l’épisode précédent, Lectrice, Lecteur, Tornio, construite sur une île du delta du fleuve Torne, a une histoire passionnante. Avec une charte accordée en 1621 par le roi de Suède, Gustave II Adolphe, elle devint le centre commercial le plus important du nord, bâtissant sa fortune sur le commerce entre la Laponie et le sud. Elle fut un moment la ville la plus au nord du monde et on disait d’elle qu’elle était la ville la plus riche de Suède. Elle servit aussi de base aux expéditions scientifiques vers l’Arctique dès le XVIIIe siècle. En 1808, après une guerre avec la Suède, l’Empire russe annexe la Finlande sous la forme d’un grand-duché, et la frontière fut établie au milieu de la rivière, à l’ouest de Tornio. Les marchands suédois quittent Tornio pour s’établir à Haparanda, et Tornio devient une ville de garnison jusqu’à l’indépendance de la Finlande en 1917. Une brasserie s’y développa, la Lapin Kulta, qui produit l’une des bières préférées des Finlandais, ainsi qu’une industrie sidérurgique. Ces dernières années, le tourisme est venu s’ajouter à l’économie de la ville.
Il n’est pas si tard lorsque nous arrivons dans le centre-ville, relativement petit. Tout est calme, presque trop calme. Pas un chat dans les rues. Peut-être parce que c’est dimanche ? On dirait une ville fantôme. Tornio n’étant pour nous qu’une étape pour manger et dormir, nous n’en verrons pas grand-chose… sauf la grande sculpture faite de cercles d’acier, baptisée « Kojamo », qui représente un immense saumon. Posée sur une petite falaise au-dessus du fleuve, elle symbolise l’importance du poisson et de l’industrie pour Tornio. Toute illuminée à la nuit tombée, avec une pleine lune brillant sur le fleuve, le métal en devient poétique. N’hésitez pas à entrer dans la sculpture pour prendre quelques jolies photos.
Où manger à Tornio : Aino au Park Hotel
Le Park Hotel, c’est l’hôtel historique de Tornio, en plein centre-ville, qui en plus, possède un restaurant de bonne facture : Aino. Ce bistro chaleureux est tout de bois vêtu, avec des banquettes et de larges chaises en cuir caramel, des lustres en matières naturelles. En tant que restaurant d’hôtel, il propose une cuisine qui peut plaire à tous (tapas, burgers, sandwiches), mais aussi des spécialités locales : poisson pêché du jour, crème brûlée à la plaquebière (une petite baie orange, semblable à une framboise, qui pousse dans le Grand Nord), sorbet maison aux pousses d’épicéa… et des plats de saison (comme les légumes racines accompagnant notre filet-mignon). De plus, toutes les viandes sont finlandaises, et les desserts sont faits maison.
Itäranta 4,
FI-95400 Tornio
Où dormir à Tornio : Grand Hotel Mustaparta
Le Mustaparta, lui aussi en plein centre-ville, est en fait deux hôtels en un ! Le Mustaparta Boutique Hotel est l’endroit où vous ferez votre check-in (et prendrez votre petit-déjeuner). Étrangement, l’hôtel est décoré sur le thème des bateaux pirates (coffres en bois, maquettes de bateaux, fenêtres en forme de hublot…) – et pour cause, il rend hommage à un héros local : Iisakki Mustaparta (littéralement « Isaac Barbenoire »). Quand Tornio était suédoise, une famine sévit dans la vallée du Torne, touchant principalement les paysans finlandais (la bourgeoisie étant quasi exclusivement suédoise). Avec quelques amis, Iisakki construisit un navire, le chargea de poix, et prit la mer en direction de Stockholm pour acheter des céréales. Déclarés hors-la-loi un temps, Iisakki et ses compagnons revinrent finalement en héros en Laponie. Je trouve que cette touche d’excentricité est plutôt sympa !
Quant à nous, nous séjournons au Grand Hotel, presque de l’autre côté de la rue. Ce bâtiment a une histoire : à l’origine, c’était une baraque pour soldats russes construite en 1914. Lui aussi arbore un style « fou-fou », avec des rues intérieures dotées de bancs et de réverbères en guise de couloirs. Les chambres sont carrément des suites immenses (peut-être même trop grandes ?), équipées d’un sauna intégré dans la salle de bain (bienvenue en Finlande !) et joliment décorées (j’émets une petite objection à la couronne au-dessus du lit, mais on sent que l’établissement ne se prend pas au sérieux). Seul bémol de cette expérience : la salle du petit-déjeuner, où la lumière est si tamisée qu’on distingue à peine son assiette.
Lukiokatu 8,
95400 Tornio
Kemi, expedition brise-glace
C’est tôt le matin que nous embarquons dans notre carrosse. Et quand je dis « carrosse », je ne suis pas loin du compte : ce superbe minivan, électrique de surcroît, a transporté Cristiano Ronaldo himself, ainsi que sa famille. Il va nous véhiculer un bout de chemin jusqu’à Oulu, mais nous n’en sommes pas encore là. Pour l’instant, nous roulons vers Kemi.
Cette petite ville industrielle (moulin à papier et mine de chrome), tout au fond du Golfe de Botnie, est l’un des lieux les plus visités de Finlande en hiver grâce à son Château de neige et tout un écosystème touristique qui s’est développé autour. Nous irons le visiter plus tard, mais pour le moment, on nous attend au check-in d’une activité qui est sans doute l’une des plus folles que j’aie jamais faites : une traversée en brise-glace… et l’occasion de flotter dans la mer gelée.
Nous embarquons au moment où le soleil se lève. Le ciel se pare de rose et de mauve, tout doucement. La météo prévoyait de la neige, mais en tout cas, ça n’a pas l’air d’être pour tout de suite. Comme nous sommes les premiers à monter à bord, nous avons le temps de découvrir l’Arktis, un véritable brise-glace, construit en 1980 et mis à la retraite active pour transporter les touristes. C’est le deuxième et le plus petit des deux brise-glaces. Sampo, l’autre navire, est déjà parti, creusant son sillage à travers les glaces.
Petit à petit, le paysage se colore grâce au lever du soleil, la neige absorbe la lumière. On distingue les installations du port de Kemi, les forêts toutes proches… Après un petit moment, le bateau largue les amarres. Ça y est, on va briser la glace. Je fais des allers-retours entre le pont et les lounges, car il fait bien frisquet avec le vent. Heureusement, l’Arktis ne manque pas d’espaces où se réchauffer et il y a même un café où l’on peut se sustenter. Pour l’instant, je suis dehors et je photographie le soleil levant, la proue du navire qui fend ce qui reste de glace dans un bruit de craquement profond, mêlé au grondement des moteurs. À la proue, deux phares illuminent le chemin à tracer, comme deux grands yeux projetant de la lumière. S’il ne faisait pas si froid, je passerais toute la traversée sur le pont !
Je suis tirée de ma rêverie quand on nous signale que nous sommes invités à faire un petit tour au poste de pilotage. J’ai un peu l’impression de débouler comme un chien dans un jeu de quilles quand nous envahissons l’espace où se trouvent le commandant, le second, le navigateur… mais très vite, on se fait discrets. L’intérieur ressemble plus à une salle informatique avec plein d’écrans qu’à un poste de navigation et, si vous pensez trouver le commandant derrière une roue, détrompez-vous : le navire se dirige à l’aide… d’un joystick ! Mais depuis là-haut, la vue est imprenable.
Enfin, un appel est lancé par les haut-parleurs :
« Les passagers portant un bracelet couleur argent sont priés de se rendre au vestiaire pour se préparer à sortir. »
Ça y est, nous allons nager dans la glace !
C’est le branle-bas de combat dans les vestiaires. Lors du check-in, nous avons tous reçu un bracelet de couleur différente, indiquant l’heure de passage pour notre plongeon. Les bracelets argent sont les premiers ! Nous nous déshabillons rapidement, ne gardant que nos couches techniques (sous-pull et pantalon thermique), avant d’enfiler une combinaison de survie énorme qui nous fait ressembler à des Télétubbies orange. Tout doit être parfaitement étanche et pas un cheveu ne doit dépasser. Aidés par les employés de l’Arktis, nous voilà fin prêts.
On a l’air parfaitement ridicules, mais sachez que cette combinaison peut littéralement vous sauver la vie : on peut y survivre jusqu’à six heures dans l’eau glacée ! Elle est tellement imposante et pleine d’air qu’il est pratiquement impossible de couler.
Nous sommes ensuite invités à sortir et à descendre dans l’eau. J’ai une petite appréhension… L’Arktis a brisé la glace, créant une sorte de piscine où mes compagnons d’aventure sont déjà en train de barboter. La bise me fouette le visage et, pendant deux secondes, je me demande ce que je fais là, puis je me dirige vers l’échelle et descends prudemment, bien malhabile dans ma combi.
Mes pieds s’engloutissent dans l’eau, puis mes jambes… jusqu’au moment où je dois lâcher l’échelle. Je me laisse dériver et, automatiquement, je me retrouve en position de planche. Impossible de faire autrement (et heureusement) ! Quelle sensation étrange… Je ressens la fraîcheur de l’eau, sans que cela me gêne. Je suis bien là, flottant et contemplant le paysage autour de moi.
Le plus compliqué, c’est d’éviter les autres baigneurs, car se diriger dans cette combi alors qu’on flotte sur le dos n’est pas une mince affaire. De temps en temps, ma tête heurte quelque chose. Quelqu’un ? Non, un morceau de glace ! Parfois, quelques gouttes d’eau éclaboussent mon visage. Après une brève appréhension – craignant qu’elles ne gèlent instantanément – je réalise que tout se passe bien. Les températures sont négatives, mais pas excessivement. L’eau glisse sur mes lèvres… et elle est étrangement peu salée. J’avoue que le moment est totalement surréaliste !
Après dix minutes de flottaison, je me dirige tant bien que mal vers l’échelle (pas une mince affaire) et remonte à bord. Lorsque je quitte la combinaison, je suis parfaitement sèche ! Bluffant. Après m’être rhabillée, je me précipite dehors, car une passerelle nous permet d’aller marcher sur la glace.
Faire un petit tour sur l’eau gelée du port de Luleå était déjà impressionnant, mais se retrouver à quelques kilomètres du rivage, au milieu de la mer, c’est encore plus marquant. D’autant plus que nous sommes au pied d’un brise-glace ! Le ciel s’est couvert et forme une masse blanche au-dessus de nos têtes. Si blanche que quand on regarde en direction du large, on ne distingue quasi pas la limite entre ciel et mer. C’est presque comme être dans un rêve un peu angoissant. Un regard derrière moi suffit à m’ancrer dans la réalité, le bateau est bien là !
Évidemment, l’Arktis a pensé à tout, y compris aux réseaux sociaux. Devant la proue du bateau, ils ont tendu une corde pour que chacun et chacune puisse se faire photographier en train de « remorquer » le brise-glace. Et bien sûr, je me suis prêtée au jeu. Parfois, Lectrice, Lecteur, c’est trop tentant. 😆
Experience 365 : croisière à bord de l’Arktis
Lumilinnankatu 15
94100 Kemi
Lumilinna, le village des neiges
De retour sur le plancher des vaches, nous allons visiter les cabines attenantes au Village, qui permettent aux visiteurs de séjourner. Elles ressemblent à des conteneurs mais avec de vastes fenêtres ouvertes sur la mer. De plain-pied ou sous forme de duplex pour les familles, ces cabines sont meublées de manière minimaliste – mais c’est pour moins se laisser distraire de ce qu’on peut voir dehors ! Si le camping est plus votre came, il y a un terrain juste à côté !
Seconde étape : le château des glaces d’Experience 365. Si Lumilinna est connue, c’est pour son village des neiges qui reprend forme tous les hivers (et que nous ne verrons pas). Mais que faire une fois la neige fondue pour continuer à attirer les visiteurs ? Simple ! Créer un château des glaces dans un endroit constamment réfrigéré. À l’intérieur, d’énormes morceaux de glace sculptée sont agencés pour construire un château médiéval : tours crénelées, trône royal, grande table pour les festins, statues de chevaliers… et même un toboggan de glace que je n’ai pas hésité à descendre ! On retrouve vraiment son âme d’enfant ici !
Après toutes ces émotions, il est temps de manger – et ça tombe bien, il y a un restaurant buffet. Je dois dire que c’était pas mal du tout, avec des choix pour tous, y compris pour celleux qui doivent éviter le gluten (comme partout dans les pays nordiques, on y est attentif).
Lumilinnankatu 15
94100 Kemi
Réserve naturelle de Sanginjoki, au cœur de la nature finlandaise
Nous remontons tous à bord de « Ronaldo’s Ride », en direction du sud, vers notre destination finale : Oulu. Mais avant d’arriver, une petite étape intermédiaire nous attend. En attendant, l’envie de sieste post-repas nous saisit plus ou moins tous, et comme le minibus est particulièrement confortable, la majorité d’entre nous somnole. Une bonne idée, car nous aurons besoin d’un dernier regain d’énergie.
Enfin, nous débarquons en lisière d’une forêt de pins, alors que le soleil se couche. Pas de jolies lueurs orangées cette fois, mais un crépuscule bleu-gris qui nous accueille à la réserve naturelle de Sanginjoki. Il n’est pas seul : Rita Porkka, la patronne de Naturest et sa collègue nous attendent elles aussi pour une brève exploration. Naturest propose des services variés pour découvrir la réserve : randonnées, ateliers nature, soin de la santé mentale par la forêt (yoga en forêt)… Les activités ne manquent pas. Rita nous emmène d’ailleurs en balade pour admirer le paysage avant la nuit.
La réserve tient son nom de la rivière qui la borde, la Sanginjoki. On y trouve des paysages diversifiés : forêts à usage multiple, vieilles futaies d’épicéas, étangs, tourbières et landes… C’est aussi un lieu privilégié des habitants d’Oulu pour cueillir baies et champignons.
Après la promenade, Rita nous guide vers un abri où un feu réchauffe une bouilloire de soupe. Nous sommes conviés à un apéritif forestier : soupe de patates douces, pain noir, salade de champignons, spread à l’ortie, gâteau à la myrtille… Je me sens apaisé : l’odeur de fumée, la chaleur de la soupe, la lumière dorée de l’abri contrastant avec le bleu glacial de l’extérieur, et la bonne humeur régnant entre nous. Oui, la forêt opère bel et bien.
Avant de partir, Rita nous montre le petit café de Naturest, Loppula, lieu d’ateliers et de réconfort. L’intérieur est chaleureux et l’atmosphère familiale. Je m’y vois bien engloutir un cholat chaud après une rando-raquettes ! Ancien QG des garde-chasses, il n’est ouvert que le week-end et fermé en janvier.
L’esprit et le ventre pleins, nous regagnons le minibus pour parcourir les derniers kilomètres jusqu’à Oulu, la grande ville. Mais ça… c’est une autre histoire !
Naturest – Réserve naturelle de Sanginjoki
Sanginjoentie 1101
90660 Oulu
Comment se rendre de Tornio à Kemi et Sanginjoki ?
En train
La compagnie de chemin de fer VR assure le service entre Tornio et Kemi. Le trajet prend une petite demi-heure. Pour rejoindre le Château de glace, il faudra soit marcher (environ 2 kilomètres) pou prendre un taxi /VTC.
Pour rejoindre Sanginkoki depuis Kemi, prenez le train vers Oulu et ici aussi, il faudra prendre un véhicule pour rejoindre le café de Naturrest. Il n’y a pas de bus qui s’arrête dans le coin.
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