C’est parti pour découvrir la Route côtière du Golfe de Botnie qui unit la Suède à la Finlande. Dans ce premier article, nous démarrons à Luleå, porte d’entrée de la Laponie suédoise, jusqu’à Haparanda, ville-frontière plutôt singulière, pour un voyage sous forme d’ode aux grands espaces nordiques. Au fil des kilomètres, entre villes historiques, aventures boréales et traditions locales, chaque arrêt raconte une nouvelle histoire. Lectrice, Lecteur, je t’invite à t’immerger avec moi en Laponie suédoise.
Cet article a été réalisé dans le cadre du Salon du voyage MATKA. Les opinions de l’auteure restent néanmoins indépendantes.
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La Route côtière du Golfe de Botnie, c’est quoi ?
La route côtière qui longe le nord du Golfe de Botnie est bien plus qu’un simple itinéraire entre mer et forêt ou qu’un projet européen visant à stimuler le tourisme : c’est une véritable aventure. Le Golfe de Botnie, qui sépare la Suède et la Finlande du nord au sud, abrite en son extrémité septentrionale la Baie de Botnie, située au-delà du Kvarken, un détroit resserré au cœur du golfe. C’est autour de cette baie que ce projet transfrontalier fut développé. Cette route relie Umeå, en Suède, à Vaasa, en Finlande, et invite à découvrir non seulement des paysages faits d’étendues boisées, de fleuves, de petites villes et villages et d’archipels mais aussi de rencontrer les cultures suédoises, finlandaises et sámi. L’explorer en hiver, c’est plonger dans l’âme du Nord, où les hivers s’étendent longuement et où les étés sont aussi fugaces qu’un éclair.
C’est le milieu d’après-midi à Stockholm lorsque notre avion décolle pour Luleå, aux portes de la Laponie suédoise. Nous sommes 6 : Nienke (The Travel Tester), Dom et Jo (Red White Adventures), Denise (In Het Vliegtuig) et Tania (Mexican Mon Travels). Il est 15 h, et le soleil se couche déjà. À destination, le crépuscule arrivera encore plus vite. En ce début d’hiver, 20 jours après le solstice, le soleil se fait rare, mais la bonne nouvelle, c’est qu’il s’attardera un peu plus chaque jour. Néanmoins, quand nous arrivons à 16 h 30, il fait nuit noire et il neige : bienvenue dans la zone subarctique ! C’est ainsi que nous faisons connaissance avec Luleå et sa région : dans l’obscurité. Une introduction parfaite, finalement !
Nous ne verrons pas Luleå tout de suite, car nous sommes attendus à notre logement, juste en dehors de la ville, dans le village au nom comiquement dénommé Mörön (qui ressemble à « moron », crétin en anglais) : l’Ice and Light Village.
Dormir dans une cabane igloo à l’Ice and Light Village
Qui n’a jamais rêvé de dormir dans une cabane ou une bulle en forme d’igloo ? Moi, oui ! Et justement, à l’Ice and Light Village, il est possible de faire les deux. Chaque cabine est enchâssée à l’intérieur d’une coque transparente en forme d’igloo. La cabine vous tient au chaud, tandis que la coque sert de terrasse couverte et aménagée, idéale pour observer les aurores boréales, si elles se manifestent !
Pour accéder au logement, il faut parcourir un sentier éclairé de petites lumières et bordé de pins. C’est tout simplement magique ! Tous les igloos donnent sur une prairie et sont orientés pour maximiser les chances d’admirer les aurores. L’intérieur des cabines est douillet, élégant et simple, avec un minimalisme nordique caractéristique : un grand lit face à la fenêtre, avec une literie ultra confortable (la meilleure de tout notre voyage), une table, deux fauteuils, des placards, et une théière. Cosy !
Cependant, il n’y a pas d’eau courante jusqu’à l’igloo. Les toilettes fonctionnent par incinération, un système qui s’avère finalement très simple à utiliser. Pour la douche et le lavabo, chaque unité dispose d’un réservoir, mais la quantité d’eau est limitée : juste assez pour une douche rapide (la douche du sauna, en revanche, n’est pas limitée). À l’extérieur de la cabine, sous l’igloo, un espace aménagé avec un réchaud permet de profiter du paysage sans se transformer en glaçon.
Ce soir-là, la pleine lune illuminait les environs, et les planètes étaient parfaitement visibles, alignées sur une même courbe. Vénus et Jupiter brillaient comme des diamants légèrement chauds, Mars affichait son éclat rouge sang, et nos igloos éclairés ressemblaient à des bulles de chaleur. Pourvu que les aurores boréales se montrent !
Une expérience gastronomique et nordique
Pontus Frank, le propriétaire, nous accueille chaleureusement dans son domaine. Ces logements insolites, il les a conçus dans le cadre de son autre activité, Explore Luleå. Mais pour l’instant, il nous invite à découvrir le restaurant, installé dans une ancienne grange. Avec sa décoration rustique, il propose une cuisine tout sauf classique.
Julian, le chef, travaille exclusivement avec des fournisseurs locaux et des produits de saison. Impossible de décrire une carte fixe : elle change chaque jour selon son inspiration, voire même pendant la préparation des plats ! Nous avons découvert une cuisine semi-gastronomique locale revisitée avec créativité :
- En entrée, un hydne-hérisson (un champignon à l’aspect velu qui pousse sur les arbres des forêts du Nord), accompagné de pickles de légumes.
- En plat principal, des gyozas d’élan, avec une sauce à l’élan, des airelles et une base de navet rôti.
- En dessert, un carrot cake au granola, cream cheese et poudre de réglisse, une confiserie très prisée en Scandinavie.
Un véritable régal !
Sauna, jacuzzi et sensations glacées
Pour terminer la soirée, nous avons profité du sauna, qui peut accueillir au moins une vingtaine de personnes, et du jacuzzi en extérieur. Là, je me suis vraiment sentie « dans le Grand Nord ». Température ambiante : -20 °C. En sortant du sauna pour se rafraîchir, mes cheveux gelaient instantanément ! Même dans le jacuzzi, la sensation de chaleur mêlée au froid extérieur était tout simplement voluptueuse.
Et comme un sauna nordique en hiver n’est jamais complet sans une immersion glacée, mais qu’il n’y a pas d’étang ou de lac à proximité, nous avons opté pour la version « neige ». Poussée par le groupe, j’ai osé me rouler dans la neige en maillot de bain, réalisant quelques « snow angels » avant que le gel ne commence à brûler ma peau. Vite, retour au jacuzzi !
Ce rush d’adrénaline a réveillé tout le monde ! Après une bonne douche, nous avons rejoint nos logements, continuant à espérer que nos aurions un petit show lumineux dans le ciel ce soir mais les aurores boréales n’ont pas daigné se montrer. Et ce ne sont pas les allers-retours entre nos igloos et la prairie qui ont manqué car les conditions (et le KPI) n’étaient pas mauvaises. Une petite déception, mais la magie de l’expérience était intacte.
Le lendemain matin, je trouve un panier à ma porte : c’est le petit déjeuner et il est copieux : pain, confiture, fromage, jambon, œuf dur, une pomme… Parfait parce que je vais avoir besoin d’énergie pour la suite
Ice and Light Village
120 Enbomsvägen,
Luleå
En rando-raquette avec Explore Luleå
Pontus nous attend de pied ferme devant la cabane qui sert de stockage pour le matériel pour une des nombreuses activités proposées par Explore Luleå : une randonnée en raquettes. Vous n’avez pas tout l’équipement avec vous ? Pas de panique : combinaison et bottes sont fournies, en plus des raquettes et des bâtons de ;rando. Je suis déjà en nage lorsque j’arrive au point de rendez-vous, et pour cause : dans la nuit, la température est remontée à -8 °C. Pontus nous encourage à ouvrir nos combinaisons et à aérer nos poitrines pour éviter que la transpiration ne gèle, ce qui pourrait provoquer un refroidissement. Une fois ces ajustements faits, je me sens en effet déjà mieux et je ne refermerai ma combi que lors des pauses.
Il est 9 h 30, et le soleil se lève seulement. Seuls les sommets des sapins sont éclairés d’une lumière rose-orangée, une douce lumière qui ne nous quittera pas de la journée, car le soleil n’ira pas beaucoup plus haut au-dessus de l’horizon. Enfin tous convenablement équipés, nous nous mettons en route, à la queue-leu-leu, pour rejoindre la forêt. Très vite, nous sommes plongés dans un décor où les couleurs se réduisent à l’essentiel : le blanc immaculé de la neige, les silhouettes sombres des sapins, les nuances pastel du ciel et des combinaisons de mes compagnons de randonnée… Tout est si paisible. On n’entend que le crissement des raquettes sur la neige. Pas de vent, pas d’oiseaux… juste Pontus qui brise de temps en temps le silence, car la balade inclut toujours des informations sur la forêt qui nous entoure, ainsi que quelques techniques de survie « au cas où ».
D’ailleurs, après une petite heure, il devra nous faire une démonstration d’allumage de feu en condition de neige ! Nous sommes arrivés au sommet d’une colline avec une jolie vue sur la forêt et, au loin, un des bras de mer qui entourent la région de Luleå.
C’est le temps de faire une pause ! On creuse une espèce de « sofa » dans la neige, on étend les peaux de rennes, et Pontus sort les tasses de chocolat chaud. Bien assis autour du petit feu, avec le liquide chaud qui se diffuse dans mon ventre, je me sens bien, très bien… même si la raquette, pour une petite comme moi, ce n’est pas spécialement facile. Je ne compte pas les fois où je me suis écroulée dans la neige en n’écartant pas assez les jambes et en trébuchant sur les raquettes ! Heureusement que la poudreuse fournit un bon amortissement. 😆
Après nous être reposés et avoir bien ri, je dézippe à nouveau ma combinaison, et c’est parti pour la descente et le retour au camp de base.
La randonnée en raquettes, c’est sans doute une des meilleures manières de s’immerger dans la forêt boréale, mais Pontus propose plein d’autres activités pour toutes les saisons: pêche sur glace, motoneige, patinage de fond et balades en chiens de traîneaux l’hiver ; pêche, escalade et rafting en été. Pas mal !
Sörsundet 64
975 95 Luleå
Gammelstad, patrimoine de l’UNESCO
Il est encore tôt lorsque nous quittons Mörön pour rejoindre un des joyaux du nord de la Suède : Gammelstad. En suédois, « Gammelstad » signifie « vieille ville », et pour cause : c’est ici que fut fondée Luleå avant que la ville ne soit « déménagée » plus près de la mer suite à des bouleversements géologiques. À l’origine, simple comptoir commercial, le village s’est transformé en centre religieux avec la construction de l’église de Nederluleå au XVe siècle. La Suède, ayant embrassé la Réforme, imposait alors l’obligation d’assister régulièrement aux services religieux : à moins de 10 kilomètres, tous les dimanches ; à 20 kilomètres, un dimanche sur deux ; à 30 kilomètres, une fois toutes les trois semaines. Mais comment faire en Laponie, où les distances jusqu’à l’église la plus proche étaient bien plus longues ? La solution fut de permettre à chaque famille de construire une maisonnette sur les terres de l’église pour y passer une nuit ou deux. C’est ainsi qu’apparurent les « villes-églises ». On en trouve plusieurs dans le Norrbotten (région nord de la Suède), mais Gammelstad est la mieux préservée avec ses 404 cabanes, ce qui lui a valu d’être inscrite au patrimoine de l’UNESCO.
La première chose que l’on aperçoit en arrivant est le clocher de l’église. Contrairement à d’autres bâtiments de la région, elle n’est pas en bois, mais bien en pierre pâle. Cette dernière capte la lumière et lui donne une teinte dorée. Bien qu’en rénovation, l’église reste accessible pour les visites, mais pas de chance : elle est réservée pour un baptême, et nous ne pourrons pas y entrer. Heureusement, le centre d’information propose une visite virtuelle. Construite en 1492, elle reflète la richesse des fermiers qui l’ont financée : son autel rutilant vient d’Anvers et sa chaire de vérité a une histoire intéressante. Le sculpteur, qui était un artisan local, voulait représenter une vigne et ses grappes de raisin, mais n’en ayant jamais vu, il a imaginé une vigne qui ressemble davantage à un sapin avec ses cônes en guise de grappes.
Notre guide, nous accueille au musée local. Ce dernier retrace l’histoire de la ville avec de nombreux détails et propose une approche ludique pour les enfants, qui suivent les aventures d’une famille de souris venue assister à un service religieux.
Gammelstad a une configuration particulière : les rues rayonnent en étoile autour de l’église. Les règles qui régissaient la construction et la propriété des cabanes sont en grande partie encore d’actualité : obligation d’entretien (le bois se dégrade vite), interdiction pour une famille de posséder plus d’une cabane, usage strictement temporaire, et obligation de peindre la cabane en rouge (sauf une, laissée dans son état de bois naturel). Notre guide nous conduit dans une cabane témoin, unique en son genre : elle est divisée en deux parties, chacune appartenant à une famille différente.
L’aménagement intérieur est sommaire : une seule pièce où tout est optimisé pour l’essentiel (une cheminée pour se chauffer et cuisiner, une table, un coin pour dormir). Ikea ne vient pas de nulle part ! Exemple ? Une armoire contenant deux lits superposés et qui pouvait accueillir une famille de cinq personnes. Très pratique à une époque… jusqu’à ce qu’une épidémie de tuberculose rende leur usage moins populaire. Il n’y a toujours pas d’eau courante dans les cabanes, et il faut se rendre au bloc sanitaire pour se laver.
L’obligation d’assister aux services religieux a disparu avec le temps, et les « villes-églises » ont vu leur fonction évoluer. Avec la croissance de la population et le manque d’espace pour construire, Gammelstad est devenue un lieu de rassemblement social. On instituait donc des week-ends « pour les vieux » (plus de 30 ans et/ou mariés) et pour les jeunes. Les jeunes profitaient de ces week-ends pour se rencontrer. Seules les jeunes filles possédaient la clé de leur cabane, et si un garçon souhaitait entrer, il devait frapper à la fenêtre et espérer qu’elle l’invite à partager un café ou un repas.
Aujourd’hui, Gammelstad reste un lieu de socialisation, particulièrement en été, lorsque le village reprend vie. Mais en hiver, sous un manteau de neige, il prend des airs de bourgade féérique. Si la neige est au rendez-vous, on peut utiliser un « kick-sled » pour se déplacer. Et attention : sur les rues en pente de Gammelstad, on prend rapidement goût à la vitesse !
Luleå, lumière d’hiver
C’est le début de l’après-midi et le soleil se couche sur la ville. Un retour un peu brutal à la civilisation après le calme de la forêt et de Gammelstad. Nous sommes dimanche, il fait beau, il gèle, mais pas trop : c’est la météo idéale pour sortir en famille. Quand on habite en Laponie, on s’emmitoufle et on va se balader sur la patinoire (« Isbanan »), un circuit de 10 kilomètres entre le port nord et le port sud de la ville. On dirait que tout Luleå y est aujourd’hui. Certains en patins, d’autres en kick-sled ou en luge, avec les enfants et même avec le chien. C’est un sacré spectacle et l’ambiance est joyeuse, presque festive. Sous la lumière qui décline, colorant la glace et la neige de nuances orangées, on distingue des milliers de silhouettes qui se rendent en file bien droite vers Gråsjälören, une île de l’archipel de Luleå où un petit café tenu par le Lion’s Club local attend les courageux. On dirait une colonie de fourmis en mouvement !
Je descends à mon tour. Ce n’est pas ma première fois sur un bras de mer gelé, mais cette fois-ci, ce n’est pas comme au Svalbard pendant la nuit polaire. Nous sommes en plein jour, et le spectacle n’en est que plus impressionnant. Près de la rive, deux gamins jouent au hockey avec une grâce surprenante, contrastant avec la brutalité habituelle de ce sport. À cet instant, je me sens profondément connectée à cet endroit, comme plongée dans quelque chose de quintessentiellement nordique. Je suis là, pleinement, pas seulement en corps, mais aussi en esprit. J’aurais adoré me joindre à la file qui marche vers l’île, mais nous sommes tenus à un horaire et, franchement, il fait froid et j’ai faim !
Nous rendre au café nous donnera l’occasion de nous faire une idée de Luleå. La ville semble jeune, et pour cause : une grande partie de la « nouvelle ville », construite après l’abandon de Gammelstad, a été réduite en cendres lors d’un gigantesque incendie au XIXᵉ siècle. Reconstruite sur un plan en damier, Luleå dévoile une architecture simple mais charmante. Un rapide tour en bus le long de la piste de glace m’a d’ailleurs fait réaliser à quel point la ville est entourée d’eau. Construite sur un isthme, elle est cernée par la mer de presque tous les côtés.
Où manger à Luleå ?
Friends Fika & Food
En plein cœur de Storgatan (littéralement la « Grande Rue »), la rue commerçante du centre-ville dont les trottoirs chauffés en hiver permettent aux passants de ne pas se retrouver les quatre fers en l’air – ou pire, avec une jambe cassée –, Friends est un grand café aux multiples coins et ambiances, où l’on peut manger dès le petit-déjeuner.
La première chose que l’on remarque, c’est le comptoir à pâtisseries. Comme le nom du café l’indique, le fika, la pause-goûter chérie des Suédois, tient une place importante dans cet établissement. On verra bien si vous pouvez résister, mais pour nous, il est encore un peu tôt : ce sera donc un lunch rapide.
La carte propose des plats simples (sandwiches, pâtes, pizzas, burgers…) à des prix raisonnables, et qui font le taf’ !
Storgatan 47
972 31 Luleå
Haparanda, ville-frontière
Nous avons roulé un bon moment vers le nord après avoir englouti notre dîner, direction Haparanda et la frontière finlandaise.
Ah, les villes-frontières ! Il y a toujours quelque chose d’électrique, d’incongru, voire de surréaliste en elles. Il en va de même avec Haparanda, la suédoise, et sa jumelle, Tornio, la finlandaise. Des deux, c’est Tornio qui est la plus ancienne. Fondée sur une île du delta du fleuve Torne, elle reçoit sa charte au XVIIᵉ siècle des mains de Gustave-Adolphe, roi de Suède, qui régnait alors sur la Finlande.
En 1808, la Suède perd sa guerre contre la Russie, et la Finlande intègre l’Empire russe sous la forme d’un grand-duché. La frontière est tracée au milieu de l’un des bras du Torne, juste avant la ville. Les marchands suédois, qui habitaient le centre, la quittent et développent le village d’Haparanda pour compenser la perte de Tornio. Ici, presque tout le monde est bilingue suédois-finnois ; les deux villes partagent des infrastructures, des événements… Ce qu’elles ne partagent pas, c’est le fuseau horaire ! Haparanda est sur le nôtre (CET, heure d’Europe centrale), tandis que Tornio suit celui de l’Est (EET, heure d’Europe de l’Est). On perd donc une heure en traversant la frontière.
Outre son statut de ville-frontière, Haparanda est connue pour abriter le magasin IKEA le plus septentrional au monde, mais aussi pour son très, très bel hôtel, dont la présence même intrigue : l’Haparanda Stadshotell. Et ça tombe bien, on nous y attend pour le fika !
Hapanrada Stadshotell : splendeur et intrigue dans le Grand Nord
Impossible de ne pas rester un peu stupéfait quand on découvre l’Haparanda Stadshotell. Sa façade est digne d’un palace d’une ville bien plus grande (Haparanda ne compte qu’une bonne dizaine de milliers d’habitants). L’hôtel est une entreprise familiale dirigée par Susanne Wallin avec son fils, Anton qui, avec Andrea la directrice du restaurant, nous ferons le tour du propriétaire et nous raconterons l’histoire des lieux.
Qui dit ville-frontière (d’abord avec l’Empire russe, puis avec la Finlande, mais proche de l’URSS), dit aussi une sacrée réputation de contrebandiers… et d’espions (notamment durant la Première Guerre mondiale). L’endroit idéal pour ouvrir un tel hôtel, ont dû se dire les fondateurs. « Les gens de la ville ont pensé que c’était une folie », nous expliquent nos guides. Et pourtant ! L’hôtel ouvre en 1900, après trois ans de construction, et en 1917, un certain Vladimir Ilitch Oulianov, dit « Lénine », vient y faire son check-in, la dernière étape avant de revenir dans son pays, de retour d’exil.
Tout y respire l’opulence et le confort bourgeois du début du XXᵉ siècle, et pourtant, c’est toujours l’esprit d’aventure qui y règne, jusqu’à aujourd’hui. C’est sans doute ce qui a dû séduire la jeune Susanne. À 16 ans, elle y travaille dans le restaurant, se prend de passion pour son lieu de travail et grimpe les échelons. Après plusieurs années, elle finit par quitter l’hôtel, non sans discuter avec le patron d’alors en lui disant : « Si jamais tu vends, appelle-moi. » Et un jour, il appela : « Tu te souviens de ce que tu m’avais dit ? Ça t’intéresse toujours ? » Ainsi, Susanne en devint la propriétaire. Une bonne rénovation plus tard, l’hôtel mélange tout le caractère original des lieux avec des touches contemporaines.
Les salons s’enchaînent : salon bleu, salon vert, la salle de bal, toute de rouge habillée, avec des lustres en verre pressé-moulé à la Lalique. Le lustre principal est gigantesque, et Haparanda se souvient encore de son arrivée, en cariole tirée par des chevaux depuis le sud du pays.
Les chambres sont tout aussi raffinées : tons riches, beaux meubles, baignoire à pied pour les suites… On y a même installé des sapins de Noël pour s’y sentir comme à la maison !
Il y a plusieurs restaurants (dont celui qui se trouve à la cave, décoré avec des bois de rennes), un night-club et un bar : le KGB, Kafé Gulasch Baronen. Qui sont ces « barons du goulasch » ? Tout simplement des contrebandiers et profiteurs de guerre, très actifs en Suède pendant la Première Guerre mondiale. Une véritable fortune était à faire à Haparanda, d’autant plus que la Suède était théoriquement neutre.
Une idée nous vient à tous en tête : un réveillon à la Gatsby ! Le décor s’y prête particulièrement. On imagine tout le monde en costume, champagne ou cocktail à la main, déambulant dans l’hôtel sur une bande-son de charleston.
Pendant que je dévore le kannelbullar qu’on nous a servi pour le goûter, je laisse mon esprit divaguer. Même si j’ai aussi pensé à cette soirée Gatsby, mon fantasme, c’est de m’y enfermer un mois pour écrire, au cœur du sombre hiver lapon, et d’y rencontrer une foule de personnages tous aussi excentriques les uns que les autres. On pourrait aussi y imaginer un huis clos à la Agatha Christie, où les résidents et le personnel de l’hôtel seraient coincés par un blizzard, à la merci d’un assassin (ou d’une assassine) qu’il faut démasquer au plus vite. Tout compte fait, je me demande si un réveillon « Murder Mystery » ne serait pas une meilleure idée. En plus, à Haparanda-Tornio, on peut le fêter deux fois… mais cela, je vous en parlerai plus tard.
Nous quittons l’hôtel, et la Suède… Rendez-vous de l’autre côté, à Tornio !
Torget 7
Comment voyager jusqu’à Lul
953 31 Haparanda, Suède
Comment arriver à Luleå et voyager le long de la Route côtière de Botnie jusqu’à Haparanda ?
Arriver à Luleå
En avion
Depuis cette année, Luleå n’a jamais été aussi accessible (du moins depuis la France) puisqu’un vol Transavia relie désormais Paris Orly à Luleå. Pour les autres, ce sera via une escale à Stockholm (plusieurs vols par jour).
En train
Mais oui ! Il y a moyen d’arriver à Luleå en train même s’il faut prendre son temps ! Il y a plusieurs manières d’accomplir ce trajet (en faisant des sauts de puce au Danemark et en Suède) mais voici la plus rapide : d’abord rejoindre Hambourg depuis votre point de départ puis, prendre le train de nuit Eurosleeper de SJ (la compagnie de chemin de fer suédois) pour Stockholm et enfin, un train de jour, ou de nuit, pour votre destination finale (toujours avec SJ). C’est l’occasion de faire des pauses dans le voyage pour passer du temps à Hambourg et à Stockholm qui valent vraiment la peine. Ce serait dommage de s’en priver. Vous pouvez rejoindre Haparanda en train Vy Norrtåg (2 par jour), toujours à réserver chez SV.
En bus
Bon, pour les plus courageux, il y a aussi le bus (pas sûre que je recommande pour la durée complète du trajet MAIS sachez qu’il existe un Flixbus direct de Bruxelles à Malmö (à ma grande surprise) avec arrêt à Hambourg et Copenhague. De Malmö, prenez un autre pour Stockholm et enfin, un autre bus pour Luleå mais attention, les bus de la ligne Tapanis ne circulent que l’été (du 1er juillet au 31 août). Sinon, il faudra terminer votre voyage en train ou en avion. Gammelstad peut être rejointe avec les bus des transports en commun Luleå Lokaltrafik. Plusieurs bus par jour de la ligne Länstrafiken Norrbotten circulent entre Luleå et Haparanda (aussi disponible sur le site de SJ).
En voiture
Rien de plus facile une fois arrivés en Suède : il suffit de suivre Route européenne 4 qui parcourt la Suède du sud au nord, depuis Helsingborg jusqu’à Haparanda-Tornio, via Stockholm.
Ping : Tornio, Kemi et Sanginjoki, sur la Route côtière du Golfe de Botnie : entre glace et forêt