Une jeune femme brune me fait un grand sourire de l’autre côté de la rue : voici enfin Sophie, à peine débarquée de son bus. Elle ne le sait pas encore mais Sophie sera ma coach en culture islandaise ! Cela fait déjà plusieurs semaines que celle qui blogue sous le nom d’Au sud du Pôle Nord, a entamé son tour des pays du cercle polaire et qu’elle nous fait rêver avec ses photos d’aurores boréales et de petits chevaux islandais qui progressent sous la neige et sur la glace. Entre l’Islande et elle, ce fut le coup de foudre et elle a décidé de s’y attarder.

Tout ça, elle me le raconte pendant que nous sommes attablées au Laudromat Café, qui est devenu un peu une institution à Reykjavík. C’est un vrai lieu de vie qui a pour particularité d’avoir un salon lavoir. Le matin, les clients viennent y lire leur journal avec leur café, on vient y manger un petit lunch avec les enfants à midi, jouer aux jeux de société ou aux échecs l’après-midi et assister à des concerts de soir. C’est donc ici qu’on va briser la glace. Sophie me parle de son envie de faire un break, de son idée de travailler dans une ferme venue d’un séjour précédent, de la magie du jour qui décroit à toute vitesse, du bruit de la glace qui craque sous les sabots des chevaux… Et de sa prochaine destination, le Groenland. Un saut de puce par à partir de l’Islande, d’autant plus que le vol part de l’aéroport de Reykjavík, qui se trouve en ville ! « Tu te rends compte ? Je vais aller à pied prendre mon avion ! » me dit-elle avec un grand sourire dans les yeux.
Après cette petite introduction, Sophie m’emmène dans un des lieux à visiter absolument si, Lectrice, Lecteur, tu visites Reykjavík le weekend : le marché aux puces de Kolaportið.
Chinage et requin pourri au marché aux puces de Kolaportið
C’est dans ce grand marché couvert que se retrouve tout Reykjavík, sans distinction d’âge ou de classe (même si la société islandaise est plutôt très égalitaire à la base). La crise bancaire de 2008 a encore augmenté sa popularité. On y trouve de tout : matériel électronique d’occasion, vaisselle, livres, objets de déco, vêtements et surtout : les fameux pulls en laine ! C’est ici que Sophie vient se rhabiller mais même si les prix sont négociables, n’espérez pas descendre en dessous de 80 €. Sophie, qui apprend l’islandais, s’attarde au rayon des livres, à la recherche d’un ouvrage facile à lire.
Après les vêtements, les livres sont ce qui prend le plus de place au marché. Un témoignage de l’amour des Islandais pour les livres. Les bibliothèques y sont encore très actives. J’imagine qu’il fut un temps où, quand le monde était « plus grand » qu’il ne l’est aujourd’hui, et l’Islande plus isolée, les livres étaient LA source principale d’évasion et chaque Islandais étant un peu poète et raconteur d’histoire, il y a également pas mal d’écrivains ! Et en parcourant les étagères, je me mets à penser aux journées d’été où, petite fille, je lisais les aventures des deux frères ; Nonni et Mani, dans une Islande de conte de fée.
En me baladant, je jette un regard amusé sur les bandes dessinées. Tintin est là, en islandais. Je suis presque tentée d’acheter… mais surtout, je trouve « Les 4 As », une BD que je n’ai plus lu depuis l’âge de 12 ans. Je n’avais aucune idée qu’ils étaient connus jusqu’ici ! Nos achats terminés, nous nous dirigeons vers la partie « nourriture » du marché. Il y a un petit café et bien entendu, plusieurs poissonneries. Pour moi, c’est le moment où jamais pour tester une spécialité typiquement locale : l’aileron de requin faisandé.
Sophie m’explique : ce type particulier de requin transpire de l’urine et est impropre à la consommation, sauf si on l’enterre pour plusieurs semaines pour qu’il exècre toute son urine. En général, on le consomme à l’occasion de la fête de la mi-hiver, qui est justement le weekend prochain.

Sophie connaît le goût du requin et n’est pas super enthousiaste mais pour ne pas me laisser essayer seule, elle saisit un petit cure dent que lui tend une joviale poissonnière pour que nous puissions essayer. On renifle… ça ne sent pas grand-chose. Je m’attendais à une forte odeur de poisson, mais non. Je le mets en bouche. Tout d’abords, il y a un goût de gras. Puis un goût de poisson, plutôt neutre. J’hésite à mâcher. Pour le moment, rien de terrible. Ce n’est pas à vomir mais ce n’est pas bon non plus. Puis vient le deuxième effet KissCool. Un goût doucereux et un peu écœurant, celui du faisandage, qui persiste sur la langue et le palais. Ayant tout prévu, j’ai une bouteille de soda dans mon sac, de quoi se nettoyer la langue mais ça prendra quelques gorgées avant que ne disparaisse l’étrange arrière-goût. 😉
Promenade à Reykjavik
A 17 heures, le marché ferme… on quitte un peu plus tôt pour se rendre à Hallgrímskirkja, une grande église luthérienne moderne qui surplombe la ville, comme une flèche grise. Il a arrêté de pleuvoir, un peu. Sophie est déçue. Elle aurait voulu me faire traverser un Tjörnin gelé… mais il ne reste quasi plus de glace. A seulement deux heures de Reykjavík, il y avait de la neige et du gel mais ici, il fait un bon petit 5 degrés. En plus d’une météo changeante, le pays est une mosaïque de micro-climats (facteur à prendre en compte si tu prépares un voyage là-bas, surtout en automne-hiver-printemps). Monter au sommet de l’église pour avoir une vue de toute la baie de Reykjavík est aussi dans la liste de choses à faire mais pas de chance. Quand nous arrivons, nous trouvons porte close.
L’Islande et les piscines, une histoire d’amour
Le temps de descendre à l’auberge où Sophie va loger pour la nuit et nous sommes en route pour une autre activité typiquement islandaise : la soirée à la piscine. Direction Laugardalslaug, la plus grande piscine de Reykjavík. Un petit trajet en bus nous emmène très vite jusque là et surprise à l’arrivée : il y a une « pool party » ce soir, l’entrée est donc gratuite. Le temps de se mettre en maillot de bain (si vous n’en avez pas, maillots et serviettes se louent sur place) et nous voilà en train de faire trempette dans un hotpot chauffé à l’eau thermale (il y en a plusieurs à différentes températures). Avant cela, il aura fallu parcourir les couloirs (non-chauffés), et les bords de la piscine extérieure avec un petit degré de température extérieure. Lectrice, Lecteur, tu vas me dire que ce n’est pas grand-chose mais je peux te dire que sans être passée par un hotpot avant, tu te demandes s’ils ne sont pas fous, ces Islandais ! Et dans un bain un 40 degrés, on fait ce que font les locaux quand ils sont à la piscine : c’est à dire discuter… et plus précisément de quelques particularités islandaises :
- La piscine est un lieu de socialisation en Islande. Certains viennent pour faire de l’exercice, mais surtout, on y vient pour papoter dans les hotpots… De l’homme politique aux groupes d’adolescents, on voit à la piscine différents groupes d’habitués qui sont plus là pour s’amuser que pour faire des longueurs. C’est également un endroit où l’on vient y résoudre ses problèmes. En se détendant, en réfléchissant, ou en discutant dans une autre atmosphère plus propice au dialogue. Pour rencontrer les Islandais, il n’y a pas mieux que la piscine!
- En Islande, la femme propose et l’homme dispose. Mais oui, Lectrice! Si tu es audacieuse, sache que ce sont les filles qui « draguent » (ou tout du moins approchent les mecs). Le sexe vient souvent d’abords… et après, on songe à rappeler, ou pas. Pour mieux comprendre, je te conseille cet article.
- En cuisine, le poisson est mieux traité que le mouton. Avec ce grand air et ces jolies pâtures, le mouton islandais doit être une des viandes les plus savoureuses sur l’île mais voilà… les Islandais le préparent bouilli (ou alors on utilise leurs têtes et testicules pour la fête de la mi-hiver). Même chose pour les chevaux. Certains sont réservés « à la boucherie » et au lieu d’en faire un bon steak, on transforme la viande en boulette. Sacrilège !
- On ne comprend pas pourquoi le « skyr« , un produit laitier entre le yaourt et le fromage frais, riche en protéine et pauvre en graisse, n’a dépassé les frontières de la Scandinavie (avec des fruits, c’est délicieux) que tout récemment.
- Que lâcher deux célibataires dans une piscine avec plein de descendants des vikings élevés au grand air, ça vous donne des torticolis.
- Qu’un steak de bœuf est une rareté en Islande. Si rare que j’en vient à faire saliver la pauvre Sophie qui n’en a plus mangé depuis des lustres.
- Qu’une pool party, c’est techno et lumières qui pulsent dans la piscine intérieure, avec des jeux d’eaux pour de grands ados. Et que ce serait bien d’importer le concept.
- Que le bain qui doit normalement servir de barbotoire pour les bébés est rempli d’adultes qui s’étalent dans 10 centimètres d’eau. Que faire la même chose alors que la pluie commence doucement à tomber est un délice. Et qu’on te met au défi de ressortir.
Finalement, c’est notre estomac qui nous tirera de là… et nous voilà reparties vers le centre-ville.
Un peu de Reykjavík by night
Alors, Lectrice, Lecteur, prend bien note de ce fait : trouver une cuisine ouverte après 22 heures relève du défi (pour les fringales, il y a les stands à hot-dogs, il faut bien nourrir tous les fêtards qui font le runtur (le tour des bars du centre de Reykjavík). Après quelques recherches infructueuses, je suggère « Le Café de Paris« . « Tu rigoles ? » me lance Sophie en soulevant un sourcil amusé. Mais voilà, la cuisine est belle et bien ouverte. Et ils ont un steak sandwich au menu. Il n’en faut pas plus pour abdiquer. En trinquant, nous savourons le comique de la situation : deux francophones en Islande qui ont dû se replier au Café de Paris, faute de mieux. Vers minuit, il est l’heure de se dire au revoir, avec un peu de tristesse. La rencontre fut belle… mais demain, à 8h30, je serai sur le départ pour une excursion qui prendra toute la journée. J’embrasse chaleureusement la demoiselle.
J’espère que nos pas se croiserons, quelque part aux alentours du cercle polaire.
Ahh ça fait bien plaisir à lire tout ça, à ce rythme Sophie va devenir LE guide islandais pour les blogueurs voyageurs !
Moi ce n’est pas le Tintin qui m’a fait hésité mais bien la version islandaise de Lucky Luke : Lukku Laki.
Chuuuut! Sinon, elle ne va plus repartir et elle a un cercle polaire à parcourir! 😉 Lukku Laki… J’adore! ;D
Haha Sophie t’a amené à Laundromat Café, bon choix !
Et je confirme, le requin faisandé, c’est une horreur. J’ai gouté l’été dernier et je ne m’en suis toujours pas remise 😉
Et dire que la pauvre allait remettre ça le weekend qui suivait… EURK!