Voyage à Rapa Nui : circuit à travers l’Île de Pâques

Il est 5h00 du matin et il fait nuit noire au camping. Tirée de mon sommeil par l’alarme de mon smartphone, je m’extirpe de mon sac de couchage. Les dernières heures avant de m’endormir me reviennent. Je suis sous une tente, à l’Île de Pâques et j’ai fait une des plus belles conneries du voyage : loupé l’ouverture du festival Tapati, un des plus importants festivals de tout le triangle polynésien. Terrassée par la fatigue du voyage, d’une journée bien remplie et par le manque de sommeil, je n’avais pas pu me résoudre à y aller… et en m’endormant au son de la musique portée par le vent, j’avais regretté. Mais ce qui est fait est fait et je vais pouvoir me rattraper aujourd’hui !

Ça me fait tout bizarre de faire à nouveau camping. La dernière fois, c’était il y a 6 ans en Afrique du sud et j’avais oublié comment c’était de devoir s’habiller sous une petite tente, avant même de prendre une douche. J’avance les pieds dans la rosée me débarbouiller puis file à la cuisine pour me faire une tartine et un café en quatrième vitesse. Eliana, David et Victor ne tardent pas à apparaître. C’est qu’il est hors de question de louper le lever du soleil sur LE site à voir sur l’Île de Pâques : l’Ahu Tongariki.

Le ahu
Lorsque vous prendrez les sentiers de Rapa Nui, vous verrez souvent le terme « Ahu » suivi d’un autre nom. Un « ahu », c’est une plateforme de cérémonie, souvent destinée à accueillir les moaïs. De forme rectangulaire, ils sont souvent composés de gros blocs de pierre imbriqués les uns avec les autres, et quelques fois polis, quelques fois un peu plus rustiques. Parallèles à la côte, leur disposition est quelque fois pensée selon des critères astronomiques, comme les solstices. Ils peuvent également servir de sépultures. Attention : grimper sur ahu (et même toucher un moaï) est une forme majeure d’irrespect car il s’agit d’endroits sacrés pour les Rapanuis ! Si vous voulez poser pour le selfie du siècle avec un moaï, il y a d’autres endroits pour le faire.

L’Ahu Tongariki

Si vous devez commencer votre visite de l’Île de Pâques, c’est bien là ! L’Ahu Tongariki est le plus grand de l’île et ne compte pas moins de 15 moaïs.  Il est à peine plus de 6 heures et nous sommes les seuls sur le site. Pas une lumière, sauf celles des étoiles et de Jupiter qui brille de tous ces feux. Devant nous, des silhouettes noires brisent l’horizon du ciel. Derrière, on détecte une grosse masse minérale : c’est le volcan… Je maudis le fait de ne pas avoir apporté mon tripode pour ce voyage. Sans moyen de stabiliser mon appareil, impossible d’avoir une photo du lieu sous les étoiles. Nous parlons à peine, et lorsque l’on parle, c’est un chuchotement. Même se déplacer semble… déplacé. Les minutes passent et petit à petit, la voie lactée disparaît, puis les étoiles les plus visibles… Les couleurs de l’aube montent doucement aux joues du ciel et le volcan se révèle. Avec le retour de la lumière, les appareils photos sortent et de nouveaux visiteurs arrivent. Les moaïs deviennent des ombres chinoises sur un fond de rose, de saumon et de jaune. Un nuage affreusement placé à l’endroit même où le soleil doit surgir… Un oiseau vole et vient se poser au sommet du plus haut des moaïs, juste au centre et au moment où les rayons de soleil levant frappent le ciel, un énorme cri déchirant, presque humain, sort de la poitrine de ce petit oiseau. Frissons… Je me définis comme étant on ne peut plus rationnelle mais ce cri venu du fond des âges hante encore mes pensées quand je songe à l’Île de Pâques

Pour mieux appréhender l’histoire et la culture de Rapa Nui, je vous suggère d’abords de visiter le Musée P. Sebastian Englert, du nom d’un missionnaire allemand installé sur l’île (les anciens en ont un souvenir plutôt mitigé) mais fort intéressé par l’archéologie.

Le musée et petit est très didactique et vous explique clairement les origines de la population de Rapa Nui, les différents cultes qui s’y sont succédés… On y trouve aussi de nombreux objets, bijoux, sculptures et tous ce qu’on peut savoir sur les moaïs, y compris toutes les théories au sujet de leurs origines et de leur création.

Les moaïs
Ils sont les symboles de l’Île de Pâques. Ces immenses statues anthropomorphes, à l’air si sérieuses et solennelles, ont excité fantasmes et fascination dès l’arrivée des premiers Européens. N’oublions pas que quand les explorateurs commencent à s’intéresser à Rapa Nui, l’île est sur le déclin : conflits entre clans, dépopulation, moaïs mis à terre… Comment ce peuple qui était perçu alors comme « primitif » avait-il pu ériger de tels monstres de pierre. Nous seulement les ériger, mais aussi les déplacer ?  Rapa Nui et l’Île de Pâques sont-il les vestiges du mythique continent de Mu ? Est-ce que ce sont des êtes venus d’ailleurs qui ont sculpté et érigé ces monolithes ?

Pour faire court, le mystérieux moaï n’est autre qu’une représentation déifiée d’ancêtre d’un clan. La représentation des ancêtres est assez courante en Polynésie mais ce qui fait la singularité de Rapa Nui, c’est l’échelle et la taille que ce culte a pris. Les premiers moaïs (on peut en voir au Musée du frère…) sont bien différents de ceux que l’on associe à l’île de Pâques. Très humains, plutôt grassouillets… mais au fur et à mesure des siècles, les statues sont devenues plus grandes, plus stylisées, plus abstraites… (le plus grand moaï jamais réalisé était en cours de finition sur les flancs du volcan Rano Raraku et aurait mesuré 21 mètres), avec une tête allongé énorme, un long nez effilé et un petit corps (qui se trouvait souvent enfoncé sous la terre). Compétition entre clans ou entre sculpteurs ? Qui sait qui a conduit à ce gigantisme !

Ce dont nous sommes certains c’est que quasi tous les moaïs ont été érigés à proximité des côtes, tournant le dos à l’océan (pour mieux protéger leur clan ?). Seule exception : les moais de l’Ahu  Akiki qui sont installés à l’intérieur des terres et regardent la mer). Les statues étaient souvent coiffées d’un « pukau », un chapeau sculpté dans de la scorie rouge et les orbites vides accueillaient des yeux faits de corail et soit de scorie, ou d’obsidienne pour figurer une pupille. A l’envers, si l’érosion ou les humains ne l’ont pas effacé, on peut y voir des images gravées dans la pierre.

Pour ne pas être redondante avec d’autres articles de blogueurs voyageurs qui sont aussi passés par là, je vous renvoie vers l’excellent article d’Amandine et François d’Un sac sur le dos qui examinent les différentes théories sur les origines et les théories sur la manière de déplacer et ériger les moaïs.

N. B. : Sachez qu’il existe un moaï en pierre féminin (et aussi des moaïs en bois). Il est tout petit, et se trouve au musée.

Ahu Te Pito Kura

Voilà un endroit bien particulier… Le seul moaï dont on connait le nom (Paro) se trouve ici et a été laissé dans la position dans laquelle on l’a trouvé : renversé. A quelques mètres de l’ahu, on trouve espace en cercle où se trouve une pierre rougeâtre toute polie, entourée de 4 pierres plus petite. La légende veut que le premier roi de Rapa Nui, Ariki Hotu Matuaa, l’ait apporté avec lui lorsque son groupe accosta sur l’île. La haute teneur en fer lui donne sa couleur rouge et si vous apporter un compas avec vous, vous le verrez régir d’une manière plutôt étrange… mais ce qui frappe, c’est que cette disposition des pierres fassent furieusement penser… à un nombril. Pas étonnant quand on sait que l’un des noms donnés par les Rapanuis à leur île est « le nombril » du monde. N’hésitez pas à poser les mans sur la pierre et à vous charger de son énergie, c’est permis.

A voir également dans le coin : l’ahu one makihi. Ce petit ahu comporte un moaï renversé sur le dos mais dont le visage est exactement de profil avec la baie de la Pérouse. Photo de rêve garantie !

Autres ahus et points d’intérêts

Vaka Papa

Pas de moaïs ici mais une autre marque de la culture des Rapanuis : les pétroglyphes. Véritables « livres d’images », les pétroglyphes nous renseignent sur la perception du monde qu’avait les habitants de l’île de Pâques. On en trouve beaucoup qui se rapporte à Makemake et au culte de l’homme oiseau, on en trouve également au dos des moaïs mais à Vaka Papa, c’est dans de la roche rouge que les anciens ont gravé le monde qui les entoure, avec des représentations du monde marin : un canoë, des tortues, des thons…  Un trésor d’archéologue !

Ahu Vaihu 

Pour un paysage sauvage et pour avoir une idée de la furie de la destruction des moaïs. L’Ahu n’a pas été restauré et ne reste que des statues décapitées et des pukaus rouges éparpillés sur le site.

Vinapu

Sur la côte sud-est, l’Ahu Vinapu est un endroit un peu particulier. Lieu de cérémonie, c’est surtout la plateforme qui intrigue bien des archéologues… la découpe et l’alignement parfait des pierres rappellent furieusement les méthodes de constructions des Incas. C’est un des nombreux mystères de l’Île de Pâques ! Les Polynésiens auraient-ils atteint l’Amérique du Sud puis revenus des techniques apprises là-bas ? Ou est-ce l’Inca Tupac Yupanqui qui tombât sur l’île de Pâques avant de retourner vers le Pérou ?

A nouveau je vous conseille l’article d’Un sac sur le dos qui examine la théorie d’un contact Rapanuis-Incas.

Rano Raraku, la nurserie des moaïs

Bien sûr, les Ahus sont impressionnants, surtout avec des moaïs en bon état… mais l’endroit de Rapa Nui qui m’a le plus marqué, c’est bien la carrière de Rano Raraku. Il existait différentes carrières où sculpter les moaïs mais aucune aussi importantes que les flancs du volcan Rano Raraku. En plus d’être un site spectaculaire, c’est une véritable mine d’informations sur le processus de construction de ces statues. On les trouve plus ou moins à différents stades de leur processus de sculpture, c’est comme si les habitants avaient un jour cessé de les sculpter, sans jamais finir ceux qui étaient en cours. Certains sont à peine dessinés dans la roche, d’autre sont quasi finis, mais encore dans leurs cocons de pierre, d’autres ont été laissés là, abandonnés sur la route de leurs ahus et se retrouvent enfoncés dans la terre jusqu’au menton. Enfoncés sous leur propre poids ? Recouverts suite à des effondrement ? Encore une énigme, une de plus! Mais Ça donne la drôle d’impression que les moaïs sont simplement sortis de terre, comme des champignons ! C’est ici que tu pourras te livrer à des poses comiques et autres selfies avec ces mystères de roche. Et après t’être bien amusé(e), te laisser envahir par la mélancolie et le côté mystique du lieu.

Les plages d’Anakena et d’Ovahe

Y’a pas que l’archéologie dans la vie! Rapa Nui n’est pas avare en autres activités… et possède trois plages. La première, celle où j’ai versé une larme au son du ukulélé, se trouve en ville, à Hanga Roa mais elle est petite.

Les deux autres se trouvent sur la côte nord, à peine un kilomètre l’une de l’autre mais elles ne pourraient être plus différentes.

La grande plage de Rapa est Anakena : le sable y est blond, l’eau calme, des cocotiers bruissent dans l’air et comble du luxe, les moaïs de Aru Nau Nau (qui ont presque tous leurs pukaus).Pour couronner le tout, il y a même un restaurant et des toilettes à côté de la route. De quoi passer quelques heures agréables.

La plage d’Ovahe a malgré tout ma préférence ! Une petite plage sauvage, faite de sable rose (merci les scories rouges qui lui donne sa couleur), sa particularité est de se trouver en bas d’une falaise en forme d’arc de cercle. Pas de palmier, c’est l’ombre de la falaise (l’après-midi) qui vous protège du soleil. Elle est aussi réputée bonne pour faire du snorkeling (pas de chance, l’océan était un peu agité en profondeur pour que je vois quoi que soit).

La journée fut longue, et Lectrice, Lecteur, je ne t’ai pas encore tout raconté. Il me reste encore un conte du « nombril du monde » à te livrer, peut-être le plus important. Mais cette après-midi là, en flottant dans l’eau tiède d’Ovahe avec David, lui qui parle si peu et qui me raconte ses projets d’avenir, de quitter la ville, de perfectionner son anglais, je me rends compte à quel point je suis là où je devrais être. Abandonnée à la mer, l’oreille tendue à un ami, sans penser au lendemain. Comment penser à çà quand on est au bout du monde ?

La suite ? Assister au Festival Tapati 

A lire : Guide voyage pour Rapa Nui/l’Île de Pâques.

Cet article a 5 commentaires

  1. Amandine

    Quel plaisir de s’immerger à nouveau dans ces paysages ! Tu as eu une meilleure météo que nous à ton passage 😉

    Oh que cette île du bout du monde me manque !

    Merci pour les mentions 😉 Les mystères de l’île de Pâques m’ont réellement passionnée !

    1. Melissa

      Il n’a pas fait moche… sauf le premier jour où j’ai été sauvée du déluge alors que je venais d’arriver à Orongo… Moi aussi, je pense souvent au petit nombril du monde, tu sais! Et pour les références, vous avez un contenu bien touffu sur le sujet donc, je me suis dit que j’allais laisser la parole à des passionnés d’archéologie. 😉

  2. Estelle - Curiosity Escapes

    L’Île de Pâques est un rêve pour moi. C’est dingue qu’après toutes ces années d’archéologie il reste autant de mystères non résolus. Mais cette destination m’attire.

    1. Melissa

      Aaaah.. Estelle, il faut y aller. Si tu vas au Chili, profite-en pour budgétiser un petit saut, il y a moyen! Quand aux mystères de l’Île, je pense qu’on les résoudra sans doute jamais. 😉

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