Les Marches et l’Ombrie ou l’Italie secrète : Fabriano, rêve de papier…

Bienvenue dans la ville de Fabriano, créditée comme la capitale du papier et du filigrane. Après t’avoir laissé un peu mariner dans ton jus, Lectrice, Lecteur (même si j’espère que cette pause suédoise aura été des plus agréables). Je vais donc te révéler ces petites gemmes cachées au creux des Apennins que vont nous faire découvrir les anges-gardiens du Distretto Culturale dell’Appennino Umbro-Marchigiano, Barabara, Paola et Euro. Une expérience assez intéressante pour moi car j’étais la seule blogueuse dans un groupe 100% féminin de tour opérateur… Mais j’y reviendrai à la fin de ces récits et notre première étape est donc Fabriano, dans la région des Marches.

Quelques mots sur Fabriano

Fabriano est créditée comme la capitale du papier et du filigrane.  Fabriano, c’est un peu une histoire de grandeur et décadence ! Développée depuis le XIIIe siècle et l’essor de la fabrication du papier, elle fut ville libre, puis asservie à la famille Chiavelli avant de passer dans le giron des Etats Pontificaux (« ce qui explique le grand nombre de garibaldistes, d’anarchistes et de francs-maçons » nous confia Euro en riant), elle devint plus tard ville industrielle. Merloni y avait ses usines, et y a encore son siège puis boum. La crise. Pour s’en sortir, Fabriano s’est retournée vers ses traditions, la fabrication de papier de haute qualité, notamment à destination d’artistes, mais aussi la culture, puisque la ville a donné naissance à une école de peinture gothique dont le plus célèbre exemple est Gentile de Fabriano. Ô ironie, il ne reste plus aucune de ses peintures en ville.

Fabriano, ville du papier et du salami de Garibaldi

La Piazza communale sera probablement comme pour nous votre point de départ. Cette place à la forme trapézoïdale regroupe quelques-uns des plus beaux bâtiments de la vile : le Palazzo del Podesta et son arche aux vieilles fresques presque toutes effacées, le Palazzo Chiavelli et la Loge San Francesco. Au rez-de-chaussée de la loge, se tient un petit marché mais on y trouve surtout un marchand de charcuteries et fromages avec un bar où l’on peut tout de suite déguster ses achats. Ça tombe bien Fabriano fabrique un salami de jambon dont Garibaldi raffolait (un « salami de légende » dit le prospectus, j’ai ri).

A midi, nous retournons vers l’hôtel, c’est que les autorités régionales nous attendent pour exposer leur projet, leurs ambitions… Oui, la région tient à se développer mais en respectant son caractère de « cœur vert de l’Italie ». Pas de tourisme de masse qui défigure une région et aliène le visiteur de la population locale. Non, non, ici, on prône le tourisme lent. De celui qui prend son temps de s’arrêter dans les petites villes, de partager la qualité de la vie que peut apporter les petites villes et la campagne, d’en partager les activités pour mieux les comprendre… Voilà pourquoi nous sommes là : pour faire connaître ce territoire mais surtout, pour apporter notre expérience et expertise de voyageuses ou de professionnelles du voyage et nos critiques à ce tout jeune projet.

C’est ici que nos chemins se séparent. Le groupe se scinde en deux : le groupe sport et aventures quitte Fabriano, le mien, le groupe « culture » ira explorer la ville. Il se compose de Beatrice, tour operator pour une agence organisant des circuits à bicyclettes, Germa, une tour operator hollandaise qui habite en Émilie-Romagne et Camilla, une Danoise qui habite à Florence et organise des voyages basés sur la découverte des artisanats locaux.

Premier arrêt de l’après-midi, le petit atelier de Cartegia Artigiana qui fabrique du papier de haute qualité à base de fibres de coton et joue un rôle d’intégration sociale en y organisant des activités pour des malades psychiques qui résident dans une institution voisine. Une thérapie de l’intégration par le travail qui donne des résultats étonnants.

Nous aussi, on va pouvoir mettre la main à la pâte et c’est Sandro, le patron et maître papetier qui nous montrera comment faire. Le processus est absolument surprenant et rapide : d’une bouillie blanche et pleine d’eau qu’on tamise sur un cadre, on aboutit à une belle feuille épaisse et chaude comme un petit pain, sortie de presse en 10 minutes. Mais le papier à dessin n’est pas tout… On peut aussi y imprimer des photos, créer des bijoux… et même des sacs. L’imagination est sans bornes !

Musée du papier et du filigrane

En plus du papier, le filigrane est l’autre marque de fabrique de Fabriano. Les magasins qui en vendent sont partout et malheureusement, offrent souvent la même chose (des reproductions de peintures célèbres de Botticelli ou de Michel-Ange, un peu kitsch à mon goût) … Mais histoire d’apprécier ce savoir-faire, un petit tour au Musée du Papier et du Filigrane, hébergé dans un ancien couvent dominicain, vaut la peine.

Je sais, tu vas me dire : « Un Musée du Papier ? Tu te fous de ma g¨¨¨¨e  ? Tu n’as rien d’autre de plus barbant ?  » Sache que la ou le guide fait le musée et celle qui nous cornaque à cette institution a réussi à passionner son public, même dans l’explication de l’utilisation des fils de métal pour fabriquer les premiers filigranes ! Il n’y a pas de secret, quand on a le feu sacré, même les sujets à priori les plus rébarbatifs vous semblent dignes d’intérêt. Et moi, je me prends à espérer que le Musée réussisse dans sa quête de reproduire la machine de Louis Nicolas Robert, la première machine à fabriquer du papier « en masse ». Lors de notre visite, un artiste contemporain chinois y exposait ses œuvres, d’une incroyable légèreté et poésie… et toute de papier, bien sûr !

Bicyclette, théâtre, art et pharmacie, à Fabriano

Prochain arrêt sur notre parcours, une belle petite surprise ; le « Musée de la bicyclette« . Une fois encore, je m’attendais à un musée un peu ennuyeux sur l’histoire de la petite reine mais non !  Il s’agit plutôt d’un musée consacré aux métiers en bicyclette né de la passion de Luciano Pellegrini, grand collectionneur… Rémouleur, maraîcher, boucher, vendeur de jouets, photographe, barbier… Les montages les plus invraisemblables sur vélos et les métiers les plus improbables, souvent disparus d’ailleurs, y sont exposés. On n’imagine pas tout ce qui peut être transporté en bicyclette… en quantité et en volume.

« Venez, nous entrons au Théâtre par la porte des artistes ». Impossible d’imaginer derrière cette petite porte et ce bâtiment que se cache un magnifique exemple du Théâtre à l’italienne : Teatro del Gentile. Nous voilà littéralement propulsés sur scène ! Le machiniste est là pour nous accueillir… A me retrouver sur la scène d’un pareil endroit, j’ai des frissons, la vue depuis ici est impressionnante ! Des rangées de balcons tendus de rouge et de blanc s’enroulent autour de nous… Et quand nous prenons place côté public, le machiniste a eu le temps de descendre le magnifique rideau d’apparat…

Pas le temps de s’émerveiller, nous voilà enlevés vers une vieille pharmacie, la pharmacie Mazzolini-Giuseppucci, Cette boutique de la fin du XIXe siècle a été conservée dans l’état, et pour cause, il est recouvert de sculpture en bois néo-gothiques. On y trouve des grands noms de la science, bien entendu un Hippocrate mais ce qui m’a le plus étonné, c’est une allégorie dans le plus pur style classique, à la découverte des rayon X. La pharmacie fonctionne toujours, mais elle s’est reconvertie en point de vente de produits de beauté à base de plantes bio, de sa propre fabrication.

Pinacothèque FabrianoJe n’aurai pas l’occasion de renifler savons ou crèmes, la Pinacothèque nous attend. La Pinacothèque de Fabriano, c’est le Musée communal d’art, qui fascinera les amateurs de peintures de la fin du Moyen-âge. Un âge d’or pour Fabriano qui a vu naître ses meilleurs artistes à cette époque. Ce qui m’a particulièrement marqué ? Les détails apportés par les différents peintres aux habits de leurs sujets (quasi exclusivement religieux): les brocards d’or de la robe de la vierge ou des saints, les nuances, etc. Un vrai travail d’enluminure !

La ville a une certaine ambition et bientôt, le Palazzo del Podesta ainsi que Palazzo Chiavelli deviendront le Pôle culturel de la ville, auquel participera la Loge San Francesco, son « Duomo » et l’église de Santi Biagio e Romoaldo où l’on peut assister à des concerts, entre autres, de chants religieux, la ville est bien pourvue dans le champ culturel. C’est un nouveau visage que Fabriano veut présenter, un pied dans l’entrepreneuriat, et l’autre dans la valorisation de ses biens culturels.

Le soir tombé, nous logeons dans une « auberge » à la sortie de la ville… La nuit est tombée et un ciel constellé d’étoiles s’est posé sur les collines environnantes. Dans un agenda qui sera extrêmement chargé, les repas seront nos seuls moments de repos. Heureusement qu’en Italie, les plaisirs de la table passent par dessus tout. Et quels repas !

Pendant que j’essaie péniblement de terminer un délicieux mille-feuille (je vais découvrir que c’est LE dessert de la région), je me dis que décidément, avec l’Italie, quand on pense ne plus être étonnés, HOP, elle livre ses petits trésors cachés à qui veut bien prendre le temps de chercher.

 

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Cet article a 9 commentaires

  1. LadyMilonguera

    Voilà une journée fort bien remplie !

    1. Melissa

      En effet… Épuisante… pour nous, c’était loin le tourisme lent ! ;D Mais c’est pour la bonne cause.

  2. Voyage Perou

    haha, c’est vrai que le Musée du papier à prime abord ne semble pas super intéressant. Mais tout dépend du guide je crois, c’est comme les profs 🙂
    On s’entend, TOUT est intéressant à la base!

    J’avais vu le film « Ma maison en Ombrie » la même année de mon premier voyage en Italie..de quoi faire rêver. Bon, après je ne sais pas si le film avait bel et bien été tourné en Ombrie..

    1. Melissa

      Tout à fait Leslie! A priori, tout est digne d’intérêt… Et franchement, le fait que ce musée soit hébergé dans un très beau lieu et qu’on y organise des expos d’art lui donne un plus!
      Et je suis allé voir la fiche du film sur IMBD… Et évidemment, ça a été tourné en partie à Cinecitta et en Toscane. Grrrrrrrr!!!

      1. Voyage Perou

        Bon. Mais ça reste de la bonne pub pour la région! Et elle a l’air de bien le mériter 🙂

  3. LaurentDeBangkok

    Effectivement c’est une bonne pub pour cette région qui a l’air culturellement très intéressante. Perso je ferais bien une petite halte prolongée chez ce marchand de charcuteries pour gouter ce « salami de légende », peut être à cause de mon coté épicurien! 😉

    1. Melissa

      Si tu savais Laurent! Moi qui suis une fan depuis l’enfance de ce genre de cochonaille… Un paradis! Mais celui-là est spécial… C’est un salami de jambon auquel on ajouté des dés de gras. ;D Savoureux! Les locaux sont super-fiers car Garibaldi en parle même dans une de ses lettres!

  4. Delphine

    On est parfois surpris par certains musées que l’on pourrait penser rébarbatifs de prime abord. Je pourrais aller à Fabriano rien que pour la pharmacie, j’adore les vieilles boutiques ! Merci pour cette découverte, qui cadre bien avec ma conception du tourisme.

    1. mellovestravels

      Toute cette région entre Marches et Ombrie est complètement en dehors des circuits habituels en Italie. Ça a été pour moi une sacrée découverte et finalement, Fabriano n’est pas difficile d’accès, ce n’est pas très loin d’Ancona qui est quand même une grande ville.

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