Bangkok : faut-il vraiment visiter Khaosan Road ?

Je me réveille comme sonnée… Il est presque 17 heures, mais impossible de le savoir : ma chambre en béton ciré n’a pas de fenêtres. Ça peut sembler être un cauchemar mais non : en plein quartier de Khaosan Road, quand on a besoin de dormir, il vaut sans doute mieux ne pas être exposé à l’extérieur, et comme je ne suis là qu’une nuit, je peux me passer de lumière du jour.

J’ai donc choisi le Buddy Boutique Inn, un hôtel plus que correct, légèrement excentré par rapport à Khaosan. Ce n’est pas tant mon alarme que les piqûres de moustiques qui m’ont réveillée. Je n’ai pas eu le temps d’arriver dans ma chambre que j’étais déjà mitraillée ! Tout me revient comme à travers un brouillard. Le long voyage, le métro pour rejoindre la ville, la chaleur qui accable l’Occidentale lorsqu’elle débarque en ayant laissé l’hiver derrière elle… mais voilà, j’y suis enfin. Bangkok, à la veille d’un voyage où je devrai me surpasser : demain matin, je pars vers Koh Tao pour apprendre à plonger. En attendant, je me dépêche de m’habiller pour voir à quoi ressemble ce fameux lieu de perdition.

Eh oui… ça fait la 3e fois que je suis à Bangkok et jusqu’à présent, j’ai réussi à éviter Khaosan mais voilà, mon bus vers le sud du pays part à 6h du matin et rendez-vous est pris à 5h30 au bureau de Lomprayah, à Rambutri, la rue parallèle à Khaosan. Histoire d’économiser du temps et de l’argent, je me suis donc résignée. Et comme qui n’a pas vu le Manneken Pis n’a pas vu Bruxelles, Khaosan est une de ces choses que l’on doit voir lorsqu’on visite Bangkok. A ma sortie de l’hôtel, le ciel a viré au rose. Il ne faudra pas une demi-heure avant que le soleil ne se couche. Il y a du monde, mais c’est encore relativement calme lorsque je découvre cette fameuse rue. Je m’avance donc dans la « légende », entre les stands de rue et les scooters qui essaient de se faufiler.

Khaosan et les backpackers

Khaosan, selon la formule consacrée, c’est le lieu des « backpackers », le monde s’y donne rendez-vous… un monde qui a l’air d’avoir la moitié de mon âge. Seuls quelques touristes mâles d’âge mur en goguette viennent troubler l’uniformité de cette jeunesse qui y trouve logements, nourriture et excursions à bas prix.  Pour une poignée d’Euros, vous y trouverez un toit, pour un euro, vous vous régalerez d’un plat dégusté dans la rue et vous pourrez aussi préparer la suite de votre voyage dans une des nombreuses agences de voyage. Fait comique : au plus vous vous éloignez de Khaosan, même de 10 mètres, au plus les prix augmentent ! C’est aussi un lieu d’étude sociologique du tourisme contemporain… (enfin, Lectrice, Lecteur, c’est ce que j’amuse à appeler mon observation des autres).

Au fur et à mesure que la nuit tombe, Khaosan s’allume et moi, je regarde. Il y a du meilleur et du pire. Un jeune couple qui rit et essaie de converser avec une vendeuse de fruits, deux Hollandais qui se moquent de l’accent thaï en se marrant, sans voir les regards noirs de jeunes Thaïlandais juste derrière eux. D’autres jeunes sortent d’une boutique de tatouages, l’œil encore un peu rougi d’avoir eu mal pour leur premier tandis que d’autres, déjà décorés, regardent négligemment le catalogue. Un peu plus loin, je croise un salon de massage géant dont les fauteuils débordent sur la rue. Une vraie usine à bien être express, et à bas prix. Je regarde tous ces corps affalés dans leurs fauteuils, livrés aux soins des masseuses. J’ai l’impression d’y voir une colonie de morses ! Et il y a aussi les petites boutiques. Si vous avez besoin de quelque chose, vous le trouverez : valises, livres, vêtements, lunettes, médicaments… dose de gaz hilarant (eh oui, j’ai bien qu’on trouvait de tout). Et si vous voulez essayer de manger des insectes, c’est possible aussi (par contre, si vous voulez les photographier, il faudra payer).

Caverne d’Ali Baba

Si Khaosan laisse la bonne part aux logements et commerces, les petites rues perpendiculaires et la rue Rambuttri valent la peine d’être explorées. A Rambuttri, ce sont plutôt les restaurants et bars qui remplissent la rue. C’est à l’extrémité Est de celle-ci que je me suis attablée dehors, pour un rapide plat de poulet et de légumes sautés. Un petit délice ! Un peu plus loin que les bureaux de Lomprayah, je décide de m’asseoir à un bar, attirée par les jolies chaises de jardins, les lampes suspendues, et le grand arbre juste devant le restaurant. Il semble qu’à chaque restaurant, il y ait un musicien. Celui-ci n’y échappe pas. Je commande une Singha et là, je réalise enfin. Les vacances ont commencé. Sous le coup de la constatation, mon énergie me quitte soudainement et je me fais vicieusement rattraper par le décalage horaire. Il est 21h30 et je tombe de sommeil. Je ne résiste pas et remonte Rambuttri, les oreilles pleines de musique et le nez plein d’odeurs, allant du gingembre à celle de la pizza.

 

Khaosanpocalypse

Une fois rentrée, j’essaie de dormir : peine perdue, même avec des boules quiès, même malgré le fait que mon hôtel soit en retrait. La fête durera toute la nuit. Basses ronflantes, guitares et vibrations… Épuisée, je me suis sans dotue assoupie un moment mais à 4h30, je dois déjà me lever. Le temps de me doucher, de m’habiller, de laisser le réceptionniste vérifier que je n’ai rien piqué dans la chambre (ou rien laissé de suspect) et à 5h15, je suis sur la route et découvre le spectacle. C’est comme si on avait quitté une pièce où s’était roulée une fête qui avait commencé de manière tout à fait normale et qu’en se réveillant, on avait loupé l’apocalypse. Je ne peux que m’imaginer ce qui a bien pu se passer toute la nuit… les légendes courent sur ce qui se passe dans les bars du quartier. Deux jeunes Anglais, un garçon et fille, titubent. Lui a un peu de mal à la soutenir. Plus loin, des Australiens finissent leurs bières en jouant aux cartes avec des Thaïlandais, Un autre groupe, assis sur tabouret en plastique, finit un bœuf improvisé, les vendeurs de rue plient bagages, avant sans doute de rouvrir quelques heures plus tard. Il y a des déchets partout, ça sent la pisse, la cigarette, le cannabis et la bière froide, et parmi des bandes de chats qui semblent s’être donné le mot pour piquer quelque nourriture, les pas traînants des derniers fêtards, les yeux bouffis par la fatigue et les excès. C’en est presque fascinant. Au bureau de Lomprayah, il y a du monde qui fait déjà la queue. Pendant ce temps, certains se dépêchent d’aller chercher un café. On me donne mon ticket, et des petits stickers roses pour mes bagages.

L’aventure commence.

Khaosan Road : pour ou contre, alors ?

J’avoue que si on me parle de Khaosan, je dirais « Plus jamais ! ». J’ai observé avec une fascination mélangée à une grosse dose de dégoût cette drôle de rue qui doit sa popularité… aux Occidentaux (au Lonely Planet d’abord, qui fut le premier à la conseiller dans le début des années 80 avant d’exploser avec le film The Beach). 

Le côté positif, c’est l’animation. En fin d’après-midi et en début de soirée, c’est assez agréable, voire comique de se plonger dans une ambiance quasi électrique en infectieuse. C’est aussi un bon arrêt, surtout si vous voyager au long cours, de se procurer par exemple un nouveau sac à dos ou une nouvelle valise pour pas cher, d’organiser vos futures excursions, d’acheter un souvenir… Si vous voyager à petit budget, vous ne pourrez pas manquer d’y passer. 

Le négatif : Les excès en tout.  Surtourisme. Intoxication en tous genres et leur cortège de désagréments et d’incivilités plus ou moins grave (déchets partout, irrespect, voire racisme, vis-à-vis des locaux, nuisances sonores si vous séjournez dans le quartier, n’espérez pas dormir avant la fermeture des boîtes aux petites heures). C’est vraiment pas beau à voir.

Mon conseil : vous voulez vous plonger dans l’ambiance de Khaosan ? Allez-y quand se couche le soleil et que la rue devient piétonne et surtout, NE LOGEZ PAS sur place, à moins que vous n’ayez envie de faire la fête toute la nuit. Même dans les rues adjacentes et si vous demandez une chambre qui donne sur l’arrière d’un hôtel et d’une guesthouse, vous ne dormirez pas. 

 

 

Le coin astuces

Pour vous rendre de l’aéroport de Suvarnabhumi au centre de Bangkok, et éviter une bonne part du trafic, préférez prendre l’Airport Link jusqu’à Phaya Thaï si nécéssaire, soit pour une connexion vers le réseau BTS, soit pour prendre un taxi vers votre destination. Si vous vous rendez à Khaosan, il y a de fortes chances que vous puissiez partager votre taxi (trouver un taxi qui accepte de mettre son compteur relève de l’exploit dans le coin) mais vous vous en sortirez pour 100-150 bahts.

Si vous prenez un bus Lomprayah, présentez-vous au moins une demi-heure avant le départ. Vous devrez faire votre « check-in ». Le personnel vous attribuera un numéro de bus, un siège et vous donnera des stickers qui identifieront votre destination finale.

Pour vous y retrouvez dans le chaos de Khaosan, on vous conseille ce petit guide de survie très complet (ne vous fiez pas à l’apparence, les infos sont mises-à-jour régulièrement) : La rue Khaosan de Bangkok – Guide de Survie.

 

Cet article a 10 commentaires

  1. C’est marrant que tu rédiges cet article sur Khao San Road, je viens de terminer le miens il y a quelques jours et je devrais le publier dans les semaines à venir. Comme toi après l’avoir évité à plusieurs reprises, j’avais décidé de lui donner sa chance à Khao San… Ca aura bien été la première et la dernière fois pour moi. Horrible. Si l’ambiance n’est pas que déplaisante, la faune locale et le comportement des gens que j’ai rencontré m’a donné la nausée. Alors certes je n’y suis resté que deux jours et c’est trop rapide pour se faire un avis objectif, mais vraiment là c’était au delà de mes forces.

    1. Melissa

      Ah… Je suis curieuse de lire ton compte-rendu!!! Je dois dire que j’ai loupé le « clou » du spectacle, puisque je suis allée me coucher tôt… Du coup, par pure curiosité (ou masochisme, c’est selon), j’ai quand même envie de voir comment ça se passe. Mais ce qui me reste, c’est vraiment cette impression de débâcle complète au petit matin et ou tu te dis: « Mais bordel, qu’est-ce qui s’est passé? »

      1. Franchement on peut s’y amuser et y rencontrer des gens cools, mais globalement l’ambiance générale c’est pas ça, avis perso.

        Cela dit …, je viens de retourner à Bangkok cette semaine pour le nouvel an Songkran, et après avoir lu ton article moins tranché que mon avis sur Khao San, je me suis dit bon, on va lui redonner sa chance à la petite Khao San (en fait j’étais surtout obligé d’y aller car des amis y dormaient…). Quoi qu’il en soit … oh surprise ! Comme le dit Loïc, une expérience diamétralement opposée 98% de thaïs, oublié le racollage de tous les côtés, oublié les beaufs qui font la queue pour obtenir une fausse carte d’identité, oublié l’ambiance glauque habituelle de Khao San, et à la place une soirée mémorable, une ambiance incroyable, un vrai bonheur. Mais bon, Songkran, ce n’est que 5 jours chaque année…

        1. Melissa

          J’allais justement répondre la même chose à Loïc… Songkran, c’est quelques jours par an, même si c’est chouette, je ne sais pas si c’est assez pour « racheter » Khaosan. 😉 Mais je suis contente de lire que vous avez tous les deux passé un excellent moment, bien arrosé (et pas qu’à la Singha).

  2. Bonjour,
    J’adore la façon dont tu rédiges tes articles, c’est tellement authentique! En plus avec toutes ces photos, on est vraiment projeté sur les lieux. Cet endroit parait tellement chaotique et pourtant tu arrives à lui donner un peu de charme.

    1. Melissa

      J’en rougis, merci… mais c’est un endroit qui inspire, je dois dire, en bien ou en mal. On pourrit écrire des volumes sur Khaosan.

  3. Loic - RoutardSpirit

    C’est marrant de lire cet article, car nous étions avant hier dans Khao San Road lors du Songkran (le Nouvel An Thaï) et la description aurait été diamétralement opposée. 98% de Thaï célébrant la nouvelle année, et faisant la fête. Nous avons passé une excellente soirée et nous sommes fait embarqué par un groupe de Thaï pour aller voir un concert de rock thaï dans une des petites ruelles perpendiculaires à Khao San où nous étions les seuls touristes.

    Bref, comme quoi parfois ce n’est pas uniquement un ghetto touristique.

  4. Lesort

    Il est sur que c’est très difficile de sympathisez avec les gens de ce quartier, car ils sont la pour le commerce..!.
    Et n’ont pas le temps de dialogues avec les Farangs, alors que dans d’autres petites villes ont voi vraiment la différence .!
    Dans le nord les gens sont très gentils.

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