«Quitter l’aéroport, écourter ses adieux… ». Ces paroles me trottent dans la tête dans le petit aéroport de Raivavae. Je quitte avec regret ma petite retraite tropicale pour l’avant-dernière étape de ce voyage en Polynésie : Tubuai. « Là-haut de ton hublot, l’île ne sera, qu’un point sur l’eau ». Je regarde depuis l’avion les couleurs du lagon pendant les quelques secondes que nous allons le survoler, avant de laisser l’île derrière nous et une partie de mon coeur avec. Une autre aventure me tend les bras. Je ne serais pas tout à fait en terre inconnue puisqu’avec le Tuhaa Pae IV, nous nous étions arrêtés déjà deux fois. J’ai donc fait un peu connaissance avec le centre administratif des Australes… et même ses habitants, puisque je suis attendue !
Qui s’est lié.e d’amitié avec un.e Polynésien.ne va trouver une porte ouverte partout dans l’archipel et c’est ma chère Mélina, mon amie à Papeete, qui a tout arrangé pour que je sois logée chez Rodrigue. Il était venu à ma rencontre lors du premier passage du Tuhaa Pae et ce fut une bonne chose pour la timide que je suis car venir s’installer pendant une semaine chez des inconnus, ce n’est pas évident ! Donc, lorsque je débarque dans le petit aérodrome de Tubuai, moi aussi je recherche un visage ami et le voilà, souriant parmi la foule. A côté de lui, se tient Here, son compagnon et un couple d’amis qui viendra aussi loger avec moi : Stéphane, un ancien collègue de Rodrigue, et sa femme Noho. C’est que j’ai choisi un des moments les plus animés de l’année pour visiter Tubuai : la semaine du Raid Litchis, une course à travers l’île qui rassemble des amateurs venus du reste des Australes et même des autres archipels de Polynésie ! J’y reviendrai. Pendant que je fais connaissance avec Stéphane et Noho, Here entre en grande conversation avec une jolie jeune femme, Emere. C’est une amie à lui et elle est venue de Tahiti pour la course. Les organisateurs avaient prévu un dortoir pour les participants n’ayant pas de logement mais… les liens communautaires et familiaux sont si forts qu’en fait, tout le monde a déjà un logement et Emere se retrouverait seule au dortoir. Pour Here, pas question de la laisser seule. Il suffit d’une consultation de 5 minutes pour déterminer qu’elle viendra loger avec nous. Il reste un divan lit, ce sera très bien. Ainsi va l’hospitalité polynésienne : on ne laisse pas les gens sur le côté !
Tubuai, l’île aux litchis
Le temps de déposer nos affaires dans la jolie maison de Rodrigue, et Here nous emmène faire le tour de l’île. Tubuai est une drôle d’île. Sur la carte, elle a une forme presque parfaitement rectangulaire et est entourée d’un très grand lagon turquoise. Il n’y a pas vraiment de villages, à part Mataura où sont concentrées toutes les facilités, ce sont plutôt des maisons parsemées le long de la route circulaire. Quant à son intérieur, il est marqué par deux petits massifs montagneux aux extrémités de l’île. Tubuai a beau avoir le statut de centre administratif (avec un hôpital, le collège et le lycée…), la vie coule lentement, très lentement ici. Sa vocation est essentiellement rurale est ce qui fait la fierté de l’île, ce sont les litchis, qu’on appelle ici : létchés. Ces arbres fruitiers apportés par la communauté chinoise de Polynésie prospèrent sous le climat plus tempéré des Australes. Nous allons même aller visiter une plantation à l’intérieur de l’île. C’est assez surprenant parce que la végétation luxuriante cède le pas à une grand clairière, à l’herbe tendre et aux grands arbres espacés (c’est qu’un litchi peut devenir énorme) chargés de petits fruits tous rouges. Le soir tombe déjà quand nous quittons la plantation (sous les tropiques, la nuit vient vite) et on file vers la maison où un grand repas nous attend. Nous ne serons pas seuls puisque des amis de Rodrigue et Here sont là aussi.
Je vais vite découvrir pendant cette semaine à Tubuai que « la porte est toujours ouverte » n’est pas un terme galvaudé. Connaissances et amis vont et viennent pendant la journée. On partage ce que l’on a. Pas besoin de s’annoncer si on vient à l’heure du dîner, il y en aura bien pour tout le monde ! Ce sera ainsi presque tous les jours.
Sortie au Motu Toena et Motu Rao
Rodrigue et Here ont tout prévu pour que nous ne nous ennuyons pas ! Comme on doit se jouer cool avant le raid litchi, nous allons passer la journée sur un motu avec les amis de Rodrigue et Here ! Autant te dire Lectrice, Lecteur, que je crève de bonheur de me retrouver une nouvelle fois sur une petite île avec cocotiers, eau turquoise et sable doré. Tout a été prévu : les glacières sont remplies de Hinano bien fraîches, de snacks, de baguettes et de restes du poisson d’hier, on va être bien ! Nous sommes déposés sur un des deux îlots jumeaux de Motu Toena et Motu Roa qui se trouvent au large de la côte nord-est de Tubuai. C’est la carte postale totale, tout y est : le sable bleu, l’eau turquoise, les cocotiers… sauf la météo qui reste un peu grisounette. Le point à noter est que ce motu bénéficie d’un coin aménagé avec toiture, table et banc pour les visiteurs de passage. C’est génial ! Du coup, nous installons nos victuailles et boissons à l’ombre et c’est parti pour mener une demi-journée de Robinson.
A la chasse au pāhua
C’est qu’on ne va pas rester inactifs sur le motu ! Premièrement, c’est Mamita qui va m’emmener avec elle faire le tour du Motu Toena deux à la rechercher de coquillages mais en plus, nous allons devoir gagner notre dîner du soir ! Les Polynésiens raffolent du bénitier, qui s’appelle ici « pāhua » et ça tombe bien, des pāhua, y’en a plein ici. Encore faut-il les chasser ! Armée de mon masque et tuba, c’est moi qui vais partir en éclaireur pour déterminer où se trouvent les plus gros et les plus beaux des bénitiers. L’eau du lagon est aussi claire qu’une piscine et j’ai l’impression de me nager dans un aquarium, surtout lorsque nous nous approchons d’un beau récif peuplé d’une multitude de poissons de toutes les couleurs ! Et avec cette eau peu profonde, les couleurs des poissons et particulièrement des bénitiers ressortent. Les coquillages sont bordés de jaune, de bleu ou de pourpre… Je les désigne du doigt et Stéphane, armé d’une pique, transperce le coquillage à travers sa fente. Le sang marron du mollusque teinte l’eau du lagon brièvement, on le détache de son socle et il va rejoindre les autres sur le porte bière flottant que nous utilisons comme « unité de stockage ».
Très vite, le travail s’organise en station : pendant que Stephane, Noho et moi cherchons les bénitiers, Emere et Aurore détachent la chair des coquillages avant de les répartir dans un seau rempli d’eau de mer. « Il faut que tu essaies, c’est bon du pāhua tout frais » ! Et voilà Aurore qui me tend un morceau de mollusque qui vivait tranquillement sa vie dans le lagon il n’y a pas cinq minutes. J’hésite mais la curiosité et a politesse l’emporte. Le pāhua a un goût douceâtre et iodé. Pas terrible-terrible. Ma grimace fait rire les autres chasseurs mais peut-être que ça passera mieux en curry ?
Notre chasse terminée, il ne nous reste plus qu’à profiter. Installés à moitié dans l’eau chaude du lagon, une bière à la main, en papotant de choses et d’autres, en s’échangeant des nouvelles et des impressions, ainsi passe les journées à Tubuai. Avant qu’on ait le temps de le remarquer, la fin de l’après-midi arrive et il faut rentrer pour faire une petite sieste et préparer le repas du soir, le fruit de notre pêche.
La vie est trop dure à Tubuai !