Que faire à Charleroi, jour 2 : l’expérience du safari urbain avec Charleroi Adventure

Quel contraste avec la journée d’hier ! Un ciel blanc-gris s’est levé sur Charleroi alors que la veille, nous baignions dans la douce lumière d’un soleil d’hiver… et finalement, si c’était la météo idéale pour réaliser un safari urbain comme le circuit Charleroi Adventures de Nicolas Buissart ?

La genèse du Charleroi Adventure de Nicolas Buissart

Voilà dix ans que j’avais envie de suivre les pas de cet amoureux de Charleroi et de ses alentours, peu après que Nicolas ait lancé son concept de visite pas comme les autres. C’est qu’il y a dix ans, Charleroi était en pleine déprime : plongée dans les affaires, économiquement sinistrée, avec l’ombre de Marc Dutroux qui planait encore sur la région. La « ville la plus moche du monde », en plus d’être moche, sombrait dans le marasme. C’est là que Nicolas s’est dit : Pourquoi ne pas tirer parti de cette sale réputation pour titiller la curiosité des visiteurs et arrêter de se poser en victimes ?

Nicolas fonde alors Charleroi Adventure et au début, faisait visiter la rue la plus déprimante de Belgique, la maison de Dutroux, le lieu où la mère de Magritte s’était suicidée… et puis bien sûr les friches industrielles, les terrils, les usines désaffectées… Bientôt, ce sont les Flamands, intrigués par cette ville qui représentait, à l’époque, tout ce qu’une ville flamande n’est pas (pauvre, grise et mal gérée) et par le concept complètement surréaliste de Nicolas, qui vont faire parler de ce drôle de safari. Tout ça au grand dam des autorités carolos qui goûtaient fort peu ce guide pas très orthodoxe, qui persistait à montrer les pires côtés de la région.

Votre blogueuse, avec ses collègues de bxlblog.be, avait évoqué plusieurs fois l’envie d’y aller. ENFIN, ce petit matin gris de décembre 2018, le moment était venu et le fameux Nicolas, je le trouve accoudé au bar de l’auberge. Nous serons 3 à l’accompagner aujourd’hui. En plus de ma petite personne, Christophe, mon guide nature de la veille est revenu et Amélie, qui tient le cityblog MyCharleroi, se joint aussi à nous. Un groupe restreint, voilà des conditions idéales pour une exploration. Avant de partir dans le froid, on prend un café, histoire de briser la glace.

Je ne vais pas tarder à comprendre que la popularité et le côté barré de ce safari tient autant de ce que l’on va voir, que de la personnalité de Nicolas.

Lui-même se définit comme un artiste. Un intermittent du spectacle au parcours ayant pris bien des détours. Sa prestation tient de la performance artistique plus que d’une simple visite guidée. Il a l’esprit vif, la culture grande, la parole leste, les opinions bien tranchées et l’œil et le sourire canaille qui font qu’on ne sait pas s’il faut le prendre à 100% au sérieux ou pas. Ce qui est certain, c’est que la journée passée en sa compagnie n’a pas connu une minute d’ennui !

En quittant le beau Charleroi

Pour commencer, nous allons dire au revoir au « beau Charleroi », on s’arrête quelques instants devant la carte en pierre du Quai 10, on passe quelques minutes sous l’élégante verrière du Passage de la Bourse avant de continuer sur le Boulevard Tirou (que connaissent tous les joueurs de Monopoly belge) et d’arriver devant le très, très moche bâtiment de la TEC-Charleroi. Sur le chemin, Nico nous donne quelques éléments historiques et informatifs sur ce que nous voyons, avant de digresser.

Des péniches et du métal

C’est ici que les choses sérieuses vont commencer : nous voilà en train de franchir quelques obstacles pour arriver dans un coin non fréquenté du chemin halage, celui où sont amarrées les péniches qui viennent chercher la ferraille. On marche dans un étrange mélange de nature qui reprend ses droits et des morceaux de métal qui jonchent le sol (solides chaussures recommandées) et c’est sur fond de tour de refroidissement et des aciéries Carsid que nous retrouvons le couple de cygnes aperçus la veille. Ça laisse songeur ! Normalement, il devrait y avoir un bruit de malade, le bruit des grues qui, dans un balai incessant, broient le métal avant de remplir le ventre des péniches en partance pour une destination inconnue.

Au Cercle Saint-Joseph de Dampremy

Mais il fait froid, il fait humide et même Nico a besoin d’un petit remontant : direction Dampremy, petite commune limitrophe de Charleroi. Dampremy, c’est l’archétype de la petite ville ouvrière du Hainaut. Ville de mineurs et de verriers, et éventuellement d’ouvriers dans la sidérurgie. On va d’ailleurs vite se réchauffer au Cercle Saint-Joseph, où Nico a ses entrées. Et là, j’ai l’impression de me retrouver un peu dans le café que tenait ma grand-mère avec son comptoir et son mobilier en bois. Les cercles, c’est un peu l’équivalent des maisons du peuple, mais catholiques. On venait s’y retrouver pour boire un verre, jouer au billard ou au fléchettes (ciel, un billard à bouchon, je n’en n’ai plus vu depuis des siècles), y organiser des événements, bref, se divertir mais surtout, « maintenir le prolétariat hors du giron de ces sans-Dieu de socialistes ». J’ai des flashes d’enfance qui me reviennent à toute vitesse. Même le carrelage moucheté me fait presque venir les larmes aux yeux. On s’assoit, on commande des boissons chaudes (on peut aussi y manger, le cercle fait une petite restauration) et le patron vient saluer Nico. Un sacré personnage lui aussi le patron, qui n’a pas la langue dans sa poche quand il s’agit de parler du sentiment d’abandon que ressentent les habitants de Dampremy, si proche de la grande ville, mais qui semble tellement figée dans le temps et laissée pour compte.

C’est peut-être ce côté inchangé qui fait qu’on soit venu au cercle pour y tourner quelques scènes de film ? Mais on a encore pas mal de trucs à faire et nous devons prendre congé du cercle et de son terrible patron, non sans se promener un peu dans Dampremy. Tout est calme dans les rues où les maisons de briques rouge foncé si typiques de la région, sont bien sagement alignées. Des silhouettes et des couleurs que je connais bien puisque j’ai moi-même grandi dans un charbonnage.

Au sommet, sur les terrils carolos

On avait bien fait de reprendre un peu de force car Nico nous a mis au programme une petite ascension de terril et le terril des Piges est plutôt du genre pentu. C’est ici qu’il va juger si vous êtes de dignes visiteurs. Il a bien gelé la nuit dernière et la maigre végétation qui couvre cet amas de charbon et de terre est complètement givrée. On dirait même qu’il a neigé ! Petit à petit, on arrive au sommet tout pelé du terril et là, on a quand même l’impression d’être les rois du monde avec une vue à 360 degrés sur la région : la ville, les communes aux alentours, la Sambre, le canal, d’autres terrils comme autant de Fujiyama… Un royaume tout gris sous un ciel lourd. Seules taches de couleurs, les graffs de Charleroi-Expo et la tour Nexans, repeinte en jaune.

Après s’en être mis plein les mirettes, nous redescendons, via un autre sentier. Et descendre un terril, attention, c’est périlleux. La pente est raide, ça glisse, on marche tous en canard jusqu’à ce que le terrain s’aplanisse plus ou moins. Un trou dans un mur et POUF, tels Alice passant de l’autre côté du miroir, nous revoilà en ville !

On a juste le temps d’aller chercher un sandwich avant de reprendre la route. Les safaris de Nicolas n’ont pas d’heure de fin précise. Ça dépend de ce dont il a envie, et aussi, du feeling entre lui et les membres du groupe entre eux. S’il sent que vous êtes un peu aventuriers, il risque bien de vous emmener dans des endroits qui rendraient fous des amateurs d’urbex ! Je tairai les lieux visités (sauf peut-être son projet commun avec ses potes, situé en face de l’église Saint-Valentin, mais ça, peut-être te le montra-t-il) mais sache, Lectrice, Lecteur, que tu risques de voir du lourd.

Nous nous extirpons des grillages qui clôturent notre dernière visite et le soleil se couche. Avec le soleil près de se coucher, Il fait trop sombre pour visiter quoique ce soit d’autres mais notre guide nous convie à deux derniers arrêts.

Sur la piste du métro fantôme

Tout d’abords, une des stations du métro fantôme. Car oui, Charleroi possède un métro léger. C’est d’ailleurs la seule autre ville de Belgique avec Bruxelles et Anvers qui peut se targuer d’en avoir un et prendre le métro à Charleroi est d’ailleurs une expérience en soi (et une vraie remontée dans le temps une fois à bords). Construit dans les années 70, alors que Charleroi et sa région étaient à l’apogée de la période sidérurgique, le projet initial était vraiment très ambitieux… jusqu’à ce que la crise pétrolière et la réforme de l’état belge ne mette un frein définitif aux travaux de la ligne 5, la ligne de Chatelet : plus d’argent pour financer la fin de la construction.

Avant que ne cessent les travaux, certaines stations avaient été construites et en mode opérationnel, d’autres n’ont eu le temps que de voir leur gros œuvre terminé. Toutes sont devenues des terrains d’entraînement pour les graffeurs.

Les stations sont entretenues tant bien que mal par la TEC, la société de transport public, dans l’espoir qu’un jour, cette ligne ne finira plus au palmarès des travaux inutiles.

Nous nous présentons devant une petite maison, avec son petit jardin. Une petite maison au charme désuet dont l’intérieur est rempli de milles-et-une curiosités. Vous voyez ce que je veux dire ? Le genre d’habitation où le propriétaire n’arrive pas à se séparer des objets accumulés aux fils des ans et trouve, malgré tout, une place pour chacun. Cette maison, c’est celle d’Enrico, dit « Le Prophète ». Enrico et Nicolas se connaissent depuis les débuts des safaris et une véritable affection est née. « C’est un peu ma famille italienne« , nous confie Nico. Nous sommes tous promptement installés dans la cuisine, avec une tasse de café et une madeleine, à écouter Enrico qui nous parle de sa mission : avertir l’humanité de ses travers. Et là, nous basculons dans le surréaliste. Enrico disparaît pour laisser place au « Prophète ». Nous l’écoutons, silencieux. Mais la mission d’Enrico n’est pas que spirituelle. Il est aussi chanteur. De la cuisine, nous sommes conviés au salon qui sert aussi de mini-salle de spectacle où notre hôte va nous régaler de deux morceaux aux accents terriblement 80’s.

Encore tout étourdis par l’expérience, nous prenons congé d’Enrico et nous engouffrons dans le véhicule de Nicolas. La nuit est à présent complètement tombée sur la ville et il est temps de se dire au revoir. Chacun repart, éparpillé aux quatre vents qui soufflent sur les quais de Sambre. J’ai juste le temps d’aller rechercher mes affaires à l’auberge et de prendre le chemin de la gare, avec le sentiment d’avoir vécu une expérience vraiment unique. Comme si toute la ville, ses maisons bourgeoises, ses ruines, ses cafés, ses terrils était en fait devenue une immense scène pour une prestation dont nous étions tous les acteurs. Mais des acteurs sur une scène d’impro où tout peut arriver. Je ne suis clairement pas prête d’oublier Nicolas et son safari urbain !

Pour aller plus loin
Si vous aussi, vous voulez tenter l’aventure du safari urbain, vous pouvez réserver votre place à Charleroi Adventure.

Partez avec de bonnes chaussures et prévoyez un anorak, c’est la Belgique, on ne sait jamais !

Cette découverte de Charleroi a été organisée avec l’Office du tourisme de Wallonie Belgique et la Maison du Tourisme du Pays de Charleroi. Merci à eux.

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